Avant-critique Roman

Emma Becker, "Odile l'été" (Julliard)

Emma Becker - Photo © Charlotte Krebs

Emma Becker, "Odile l'été" (Julliard)

Second opus de la nouvelle collection « Fauteuse de trouble », ce récit d'Emma Becker raconte comment les premières expériences de deux amies semblent avoir conditionné leur vie intime.

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Par Laëtitia Favro
Créé le 14.04.2023 à 14h00

Toute première fois. Une maison cachée sous les arbres, dans le Midi. Chaque été, la narratrice y retrouve Odile, la fille d'amis de ses parents, avec laquelle elle découvre son corps et éprouve son désir. Deux décennies plus tard, alors qu'elles se sont éloignées, la narratrice rêve d'Odile, de son portrait affiché dans un avis de recherche, et décide de lui rendre visite. Leurs voix alternent alors, retraçant leurs aventures avec des hommes qui toutes leur laissent un sentiment d'inachevé. Persuadée que la séduction tyrannique exercée par Odile conditionne son plaisir depuis ses premiers émois, la narratrice la rend responsable de ses échecs. « Je lui en voulais d'avoir guidé ainsi le début de ma vie pour nous entraîner dans ce marasme auquel nous donnions les jolis noms de jeunesse, de liberté, de libre consommation des corps. » Mais entre ses souvenirs et ceux d'Odile, une légère dissonance se fait entendre, dans laquelle le doute vient se loger : Odile est-elle vraiment à l'origine de son insatisfaction, ou faut-il chercher le coupable ailleurs ?

Sensuel et onirique, Odile l'été dit l'éveil à la sexualité, l'empreinte indélébile des premières expériences, les rapports de domination s'exerçant entre hommes et femmes autant qu'entre individus du même sexe. Avec l'acuité qu'on lui connaît grâce à La maison (Flammarion, 2019) et L'inconduite (Albin Michel, 2022), entre autres textes, la plume d'Emma Becker saisit toute la complexité de son sujet au sein d'un conte onirique et magnétique, alliant plaisir de lecture et questionnements intimes.

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