Droits des auteurs

Dédicaces en festival : la rémunération forfaitaire pérennisée pour les auteurs de bande dessinée

Une signature de dédicace - Photo Laure Boyer - Hans Lucas via AFP

Dédicaces en festival : la rémunération forfaitaire pérennisée pour les auteurs de bande dessinée

Après trois années d’expérimentation, l’aide financière permettant de rémunérer les auteurs de bande dessinée en dédicace pendant les festivals voit son dispositif bénéficier d’une reconduction pérenne.

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Par Marie-Agnès Laffougère
Créé le 17.01.2025 à 17h37

Adopté en mars 2022 et expérimenté pendant trois ans auprès de 10, puis 20 festivals, le dispositif d’aide financière permettant de rémunérer les auteurs de bande dessinée en dédicace a fait ses preuves. Bénéficiant d’un bilan très positif partagé par l’ensemble du 9e art, il est désormais « renouvelé pour un an avec tacite reconduction tous les ans », valide Geoffroy Pelletier, directeur de la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (Sofia). L'ensemble des partenaires (festivals et éditeurs) avaient jusqu'au 10 janvier pour confirmer leur accord et le tarif 2025 revalorisé à 255 euros brut par jour. Si le protocole de l’année qui s’ouvre est encore en cours de signature par l’ensemble des parties prenantes, il est bien effectif dès à présent.

Trois ans d’évolution positive

Une bonne nouvelle pour l’ensemble des parties prenantes : Camille Benyamina, autrice de BD qui a profité l’année dernière du dispositif grâce à l’invitation des éditions Albin Michel au FIBD, rappelle que « cette rémunération permet d’être plus juste », insistant sur le fait que dédicacer lors d’événements « n’est pas simplement du plaisir mais surtout du travail ».

« La question de la rémunération des auteurs, déjà précarisés, traînait depuis longtemps mais nous attendions une vraie volonté politique du ministère de la Culture pour nous soutenir », abonde Serge Darpeix, directeur artistique des Rencontres du 9e Art (Aix-en-Provence).

Protocole tripartite

Lancé à la suite de longues discussions entre le Centre national du livre (CNL), la Sofia, le groupe BD du Syndicat national de l'édition (SNE) et le ministère de la Culture, un protocole tripartite avait fixé un premier forfait à 226 euros bruts en 2022, 239 euros en 2023 et 250 euros en 2024, avant d’être de nouveau revalorisé en 2025.

Le principe est le partage des coûts. Serge Darpeix détaille : « La Sofia et le CNL prennent chacun en charge un tiers du forfait et le dernier tiers est payé par la puissance invitante : le festival ou l’éditeur. Dans un second temps, la Sofia centralise les paies et distribue l’argent aux auteurs. » Pour Anne-France Hubau-Nicolas, directrice générale de Delcourt, le dispositif illustre l’engagement des maisons d'édition dans « le soutien des auteurs et la préservation de l'attractivité des festivals, qui sont des moments clés de rencontre avec les lecteurs et de mise en valeur de nos albums. »

Si le dispositif s’est lancé dans dix festivals volontaires en 2022, il a doublé son nombre de participants en incluant dès l’année suivante 20 manifestations, un nombre qui est resté stable en 2024.

Nombre de festivals participant aux dédicaces rémunérées
Nombre de festivals participant aux dédicaces rémunérées- Photo SOFIA

Le nombre d’auteurs bénéficiaires, en revanche, n’a cessé de croître. Marc-Antoine Boidin, vice-président du Syndicat national des auteurs et des compositeurs (SNAC) et administrateur de la Sofia, atteste que « près de 1 491 rémunérations ont été effectuées en 2022 contre 1 713 en 2023 et environ 2 200 en 2024. Plus de 125 éditeurs ont été partie prenante de l’expérimentation pour toucher des auteurs de plus de vingt pays différents. »

Des craintes balayées

Pourtant, à l’aube de sa mise en place, les craintes étaient nombreuses. Les festivals allaient-ils modifier leur politique de programmation pour être plus rentables ? Les auteurs bankables seraient-ils les seuls à être invités ? Après trois ans de test, Geoffroy Pelletier, à la Sofia, se veut rassurant : « Le nombre d’auteurs concernés n’a fait qu’augmenter au fil des années. Plus de 2 000 ont été invités dans au moins un des festivals de bande dessinée en 2022 et ou en 2023 ».

C’est ce dont témoigne Émilie Clarke, primo-autrice en 2021 pour Violette et les lunettes magiques (Biscoto) : « Je venais de sortir mon premier ouvrage, mais ma maison d’édition m’a invité à trois festivals en 2022 ». Iris Munsch, directrice artistique de Lyon BD, temporise : « Les petits festivals qui se lancent peuvent avoir tendance à inviter des auteurs qui entraîneront plus de public, les illustrateurs seront plus souvent conviés que les scénaristes ».

Un symbole fort

Plus qu’un forfait, ce dispositif amène à changer de paradigme. Marc Lizano, auteur- illustrateur de BD et d’album jeunesse et co-président de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse, se remémore les anciens us et coutumes : « Avant on allait en salon pour retrouver les copains, parfois on négociait pour être payé en faisant un atelier avec les scolaires en amont de l’évènement. Maintenant, que tu sois nouveau dans le métier ou que tu aies 30 ans de bouteille, c’est le même prix pour tout le monde. »

Bien plus qu’un moment convivial d’échange entre auteurs et lecteurs, les dédicaces sont désormais vues comme « une création d'œuvre payée en droits d’auteur », selon le président de la Sofia. Symbolique, cette nouvelle perspective permet de « légitimer la dédicace comme partie intégrante du métier », pour Ariane Hugues, autrice de BD qui a profité du dispositif à Angoulême, Saint-Malo et Colomiers en 2023.

Ce bilan positif s’est également conclu par la création d’une fédération de festivals de bande dessinée : le Club 99. Juana Macari, directrice de BD à Bastia, membre de la fédération, explique : « Neuf des dix premiers festivals volontaires se sont organisés pour normaliser les droits de monstrations et pour réfléchir ensemble à de futures actions collectives ».

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