Après avoir proposé l’année dernière Rouge encore (repris en Folio "Policier"), Autrement exhume un deuxième roman du Danois Anders Bodelsen. Mauvais calcul date de 1968 et a paru en France chez Stock en 1970 dans une autre traduction et sous un autre titre, Crime sans châtiment. On y découvre un homme sous pression. Henrik Mork travaille pour Autonord. Il doit superviser le chantier d’une nouvelle usine d’assemblage automobile. Le jour de la signature du contrat, son patron le charge de distraire les associés allemands avant qu’ils ne reprennent leur avion.
Le héros ordinaire d’Anders Bodelsen s’interroge sur son existence. Il est marié à une femme qui regarde la télévision en pleine journée et père d’une petite fille prénommée Charlotte. Son ascension dans l’entreprise le tracasse. Tout comme le terrain dans un lotissement entouré d’eau qu’il veut acheter. Ce jour-là, Mork boit plus que de raison. Après avoir quitté les Allemands, il décide de ne pas rentrer tout de suite chez lui. Il accompagne un groupe de jeunes gens qui partent à une fête, loin de la ville, dans une maison perdue dans la campagne.
Quand il en repart dans la neige et l’obscurité, plus ivre encore, le voici qui perd le contrôle de la voiture qu’il a empruntée et percute un vieil homme à vélo surgi de nulle part. Et le tue. "Il comprit que sa vie à lui était finie… et qu’il lui faudrait trouver un moyen de continuer malgré tout", écrit Bodelsen. On pense au Emmanuel Carrère de La moustache ou de La classe de neige en dévorant Mauvais calcul. Un roman noir et tendu où l’écrivain danois a l’art de coller le lecteur au plus près des interrogations d’un Henrik Mork dont le destin a irrémédiablement basculé. Al. F.