En zones rurales, comment parvenir à maintenir une médiathèque dynamique, qui propose suffisamment de services pour attirer assez de visiteurs et de bénévoles ? Le problème a été creusé par l’Association des bibliothécaires départementaux (ABD) lors d’une table ronde qui s'est tenue mardi 26 septembre à l’occasion de ses journées d’études annuelles. La solution soulevée est l'hybridation : associer médiathèque et point d’information jeunesse, espaces accueillant des entreprises, agence postale… pour faire vivre ces lieux tout en partageant leurs coûts de fonctionnement. Des avantages qui s’accompagnent de points de vigilance.
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Rassembler efficacement tous les acteurs
Bon point : ces lieux bénéficient d’un fort soutien politique, comme le montrent les récentes ouvertures à Labastide-Beauvoir ou Iguerande. « Mutualiser les énergies, c’est un discours qui parle aux élus », témoigne Viviane Olivier, directrice de la médiathèque départementale (BD) de la Creuse, où deux médiathèques-tiers-lieux s’apprêtent à voir le jour.
Mais pour qu’un tiers-lieu fonctionne, il faut que tous les partenaires s’alignent. « Ça marche bien quand la personne qui s’occupe de l’agence postale, par exemple, est passionnée par la bibliothèque », signale Viviane Olivier. Et les tiers-lieu (non bibliothèques) déjà existants peuvent eux être frileux, « se méfier des bibliothèques qu’ils se représentent comme une institution… ». La co-construction du tiers-lieu avec les habitants, démarche qui fait partie de son ADN, suppose enfin de l’endurance. « Parfois, le temps que le projet se monte, les acteurs politiques ne sont plus les mêmes et changent son orientation », note-t-elle.
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Des horaires différents
Les différents services peuvent a priori additionner leurs horaires d’ouverture et ainsi offrir de larges plages d’accueil. Mais si la médiathèque fait aussi CDI, ce n’est pas assuré, explique Odette Kacel, responsable de la médiathèque-CDI Stéphane-Hessel à Loupian (Hérault). Quand le collège est ouvert, la médiathèque passe « en mode CDI », réservée aux collégiens. La médiathèque n’est donc ouverte à tous que douze heures par semaine (mais trente-deux pendant les vacances). « D’autres médiathèques-CDI ne partagent pas le même fonctionnement, sont ouvertes en même temps que le collège, mais cela peut poser des problèmes de sécurité pour les collégiens », avance la bibliothécaire.
Dernier inconvénient : quand les ados quittent le collège, certains ne veulent plus revenir dans la médiathèque qui leur rappelle trop leur ancien établissement. « Mais ce qui est bien, c’est que les enfants de CM2 qui viennent à la médiathèque voient le collège de près et n’ont plus cette énorme appréhension à quitter la primaire », sourit Odette Kacel.
Julie Gakyères, directrice de la médiathèque Le Trait d’union de Vendin-le-Vieil, associée au conservatoire de musique et du service jeunesse et sport de cette ville du Pas-de-Calais, a dû revoir ses ambitions à la baisse en raison des différentes temporalités des structures : « Au départ, on voulait monter une saison culturelle commune, mais cela s’est avéré compliqué à mettre en place. On ne se retrouve donc que ponctuellement. »
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Brouillage
Le Trait d’union, comme son nom l’indique, cherche à rendre les services de son bâtiment perméables. La médiathèque est séparée du hall par une paroi vitrée et repliable, elle fait des lectures avec des musiciens et dans les centres de loisirs, a formé aux jeux de société l’animateur du service jeunesse qui vient y animer des sessions, le point d’information jeunesse y tient une permanence chaque semaine… et l’identité graphique du bâtiment est commune. « On profite énormément du passage des élèves musiciens et des garderies accueillies par le service jeunesse, c’est vivant ! s’enthousiasme Julie Gakyères. Mais on reste encore très mal connus du reste de la population. » La médiathèque-CDI a aussi pu être réduite à un CDI. Mais la palme de l’incompréhension vient de ces visiteurs du Trait d’union : « Tiens, vous n’êtes pas le crématorium ? »