Le coronavirus n'en finit plus de bouleverser les catalogues des éditeurs. Alors que l'ombre de la Covid-19 plane encore telle une épée de Damoclès sur la planète, une quarantaine de nouveautés, à paraître entre août et octobre, scrutent, analysent et dissèquent la pandémie. Ces ouvrages s'ajoutent à la centaine de titres déjà publiés sur le sujet depuis le 14 mars. Mais avec la crise sanitaire, la rentrée 2020 des essais et documents fait aussi la part belle à l'urgence environnementale et au féminisme. Avec, également, quelques ouvrages consacrés au racisme ou à Donald Trump, ils nourrissent une bonne part des 2 800 nouveautés déjà annoncées dans ce secteur, au moment où nous mettions sous presse, sur la base Electre Data Services.
Au cœur du corona
La Covid-19 s'annonce donc incontournable en librairie. Après la multiplication des journaux de confinement par des célébrités, des anonymes et des médias, quelques témoignages supplémentaires nous parviennent. Parti rejoindre sa famille à Wuhan en janvier, Bingtao Chen, rentré en France en mars, raconte dans Wuhan confidentiel. D'un confinement à un autre (Flammarion) ses deux périodes de quarantaine, avec la collaboration de Stéphanie Thomas. Depuis la Chine, Fang Fang livre son journal de confinement dans Wuhan, ville close (Stock). Pour redonner un peu de baume au cœur, Alain Stanké relève Les beaux gestes au temps du corona (Balzac éditeur).
Surtout, l'apparition du virus et la gestion de la pandémie font l'objet de multiples critiques et remises en questions. Quatre carnets de bord donnent à appréhender la gestion de la crise sanitaire au cœur des hôpitaux. Le chef du service des maladies infectieuses à l'hôpital Tenon de Paris, Gilles Pialoux, souligne que Nous n'étions pas prêts (Lattès), le médecin généraliste Bertrand Legrand propose son Journal d'un médecin au temps du coronavirus (Archipel), Renaud Piarroux relate La vague. Sur le terrain, lutter contre le coronavirus (CNRS éditions) et le docteur Jean Doubovetzky raconte, avec Jean-Pierre Archenoult, la Covid-19 : attaque virale, la fin de l'ancien monde (La Différence). Le docteur Jérôme Marty pointe les défaillances de la gestion française de la crise qui ont entraîné Le scandale des soignants contaminés (Flammarion). Michel Onfray critique la responsabilité d'Emmanuel Macron dans la gestion de la crise dans La vengeance du pangolin : penser le virus (Robert Laffont). De leur côté, Henri Bergeron, Olivier Borraz, Patrick Castel et François Dedieu tentent d'expliquer les raisons de l'impréparation française dans Covid-19, une crise organisationnelle (Presses de Sciences Po). Les défaillances de la société sont révélées sous la direction de Peggy Larrieu dans Vivre sans. Que reste-t-il de notre monde ? (Erès), et Christian Salmon étudie la Coronarration (Les liens qui libèrent), ce discours unifié et unificateur qui révèle les antagonismes sociaux et politiques.
Les conséquences de la crise sanitaire sur la société mondiale intriguent les auteurs qui tentent déjà de dessiner les contours du monde d'après. Michel Agier étudie la manière dont la pandémie a changé la société et les grandes questions qu'elle soulève dans Vivre avec des épouvantails (Premier Parallèle). Maintenant, on fait quoi ? s'interrogent une vingtaine de personnalités dans un titre dirigé par Denis Lafay (L'Aube). La maison édite aussi La page blanche, dans lequel Jean Viard imagine l'avenir de la société. Dessine-moi un pangolin, demande le collectif Regards (Au diable vauvert), qui aborde le rôle de la science, les frontières ou encore la mondialisation et la relocalisation. Raphaël Rossello tente d'appréhender Notre modèle économique et social après la Covid-19 (Mareuil) quand Olivier Pastré et Patrick Artus imaginent L'économie post-covid : le rôle des politiques dans la crise (Fayard). Dans Quoi qu'il en coûte ! (Albin Michel), François Lenglet montre un secteur privé laminé et des États omnipotents usant de l'impôt massif et de l'inflation pour sortir de la crise économique provoquée par le coronavirus. La réorganisation du quotidien induite par le confinement ayant eu des effets bénéfiques sur l'environnement, Christian de Perthuis appelle, dans Covid-19 et réchauffement climatique (De Boeck Supérieur), à poursuivre la réorganisation drastique des systèmes de soin et de production, des échanges et du travail pour affronter la menace climatique et changer notre rapport au vivant. Autre ouvrage à lier l'écologie au virus : La fabrique des pandémies (La Découverte), de Marie-Monique Robin et Serge Morand, une enquête dans laquelle les auteurs analysent les conséquences de la déforestation, de l'urbanisation, des réseaux routiers, de l'agriculture industrielle et de la globalisation économique qui menacent notre santé.
Vague verte
D'une année à l'autre, l'écologie et l'urgence climatique s'imposent durablement comme une thématique de fond dans les catalogues des éditeurs. Loin des théories abstraites, plusieurs auteurs décortiquent l'urgence climatique pour la rendre plus accessible. Victoire Thesimann et Hubert Reeves mettent en lumière Ces petits gestes qui peuvent changer le monde (Pygmalion). Dans La planète, tu sauveras ! (Plume de carotte), Sergio Emilson œuvre à rendre l'écologie plus humaine, loin de ses aspects obligatoires, moralisateurs et culpabilisants. Christof Drexel propose Pourquoi les cochons d'Inde vont-ils sauver la planète ? (Marabout), un guide pour réduire son empreinte carbone au quotidien. Puisque le combat pour l'environnement n'est pas limité à la seule sphère personnelle, Anthony Gachet explique comment Être écolo au boulot (Ulmer) et Édouard Sellier et Matthieu Marty préconisent d'Engager son entreprise dans la transition (Actes Sud).
Plus globalement, avec Inventons notre avenir ! (Albin Michel), Christina Figueres, Tom Rivett-Carnac, Patricia Barbe-Girault et Florence Hertz rassemblent leurs forces pour imaginer deux scénarios afin de mobiliser les citoyens : l'un, catastrophe, dans lequel les accords de Paris de 2015 ne seraient pas respectés et l'autre, plus respectueux de l'environnement. L'ancien président de la COP21, Laurent Fabius, plaide pour une action en faveur du climat dans Rouge carbone (L'Observatoire). L'ex-Premier ministre y dénonce le décalage entre les grands discours et les actions modestes aux effets limités. Alice Desbiolles décrypte L'éco-anxiété : le malaise du siècle (Fayard) et donne des conseils pour mieux vivre avec sa souffrance physique liée à la destruction de l'environnement, quand Maëlle Brun dresse le portrait de Greta Thunberg : la voix qui secoue la planète (L'Archipel).
Le plastique est placé sous la loupe de Heike Schröder qui, dans Du plastique dans le sang : comment nous nous empoisonnons chaque jour (Guy Trédaniel), dresse un état des lieux des effets néfastes de cette matière pour l'environnement et la santé des hommes, sous celle de Nathalie Gonthard et Hélène Seingier qui, avec Plastique, le grand emballement (Stock), expliquent le problème du plastique et proposent des pistes pour en limiter l'utilisation, et celle de Nelly Pons qui, dans Océan plastique - Enquête sur une pollution globale (Actes Sud), se penche sur les dégâts causés par le plastique sur nos océans.
Voix féminines
L'écologie se fait aussi féministe sous la plume de Françoise d'Eaubonne. Initialement paru en 1974 et réédité cette année au Passager clandestin, son essai Le féminisme ou la mort est l'un des premiers à évoquer l'écoféminisme, qui invite à repenser à la fois la relation entre les genres et celle entre les humains et la nature. Trois ans après la vague #MeToo, la voix des femmes continue de résonner dans les programmes avec notamment La poudre, de Lauren Bastide (Marabout), tiré du podcast éponyme de Nouvelles Écoutes. Bibia Pavard, Florence Rochefort et Michele Zancarini-Fournel retracent l'histoire du féminisme sous le titre Ne nous libérez pas, on s'en charge (La Découverte). Avec érudition, humour et des illustrations signées Fred Sochard, Mathilde Larrère passe en revue les grandes étapes des luttes féministes dans Rage against the machisme (éditions du Détour). Dans La révolution des femmes (Le bord de l'eau), Fabienne Brugère revient sur l'importance des mouvements contre les violences sexistes à la fin des années 2010 et interroge le devenir des luttes féministes.
Après le succès de l'incontournable Sorcières, de Mona Chollet (Zones, 2018), ces dernières continuent d'irriguer les programmes, à l'image de Sorcières, salopes et féministes, de Kristen J. Kollee (Véga) et du Musée des sorcières, de Catherine Clément (Albin Michel). Longtemps restées dans l'ombre, des voix féminines s'élèvent pour placer les femmes sous les projecteurs. Léa Salamé donne la parole à douze personnalités célèbres comme Amélie Mauresmo, Leïla Slimani ou Christiane Taubira dans Femmes puissantes (Les Arènes/France Inter). Marlène Schiappa rend, dans Entre toutes les femmes (Grasset), hommage à celles qui luttent pour vivre hors des carcans. Deux femmes politiques reviennent sur leur combat pour le droit des femmes : Gisèle Halimi, décédée le 28 juillet, avec Une farouche liberté (Grasset), et Fatoumata Fathy Sidibé avec La voix d'une rebelle (Luc Pire). Marie-Cécile Naves propose de réinventer le pouvoir en le fondant sur la coopération et la responsabilité collective dans La démocratie féministe (Calmann-Lévy). Hélène Périvier se penche sur L'économie féministe (Presses de Sciences Po).
Le féminisme renvoie aussi à d'autres formes de discriminations. Placée sous surveillance policière fin juillet pour cause de cyber-harcèlement, la journaliste Alice Coffin prend la parole sur l'homosexualité féminine en France aujourd'hui dans Le génie lesbien (Grasset) et Bell Hooks propose des alternatives à la culture patriarcale, raciste et homophobe dans Le féminisme pour toutes et tous (Divergences).
Outre-Atlantique
En écho au décès, aux États-Unis, de George Floyd, suite à des violences policières, la question du racisme nourrit le programme des éditeurs en France. L'ancien footballeur Lilian Thuram questionne la domination des Blancs et le racisme ordinaire dans La pensée blanche (Philippe Rey), tandis que Racismes de France (La Découverte) placé sous la direction d'Olivier Le Cour Grandmaison et d'Omar Slaouti, affirme le caractère systémique du racisme dans l'Hexagone. Kiese Laymon témoigne de la réalité de la violence et du racisme outre-Atlantique dans Balèze (Les escales).
Deux ouvrages s'intéressent à l'émergence du mouvement Alt-right, la droite alternative américaine qui milite en faveur de la défense des Blancs : Suprématie théorie, de Philippe-Joseph Salazar (Plon) et L'alt-right : de Berkeley à Christchurch, de Simon Ridley (Le bord de l'eau).
En pleine campagne pour l'élection présidentielle américaine, Donald Trump continue de fasciner. Sa communication brutale est décryptée dans Trump, le mensonge au pouvoir, d'Antoine de Tarlé (L'Atelier). Quelques ouvrages tentent aussi de tirer le bilan de sa présidence comme L'Amérique de Trump, entre nation & empire, de Paul Gottfried (J.-C. Godefroy), Le rêve américain à l'épreuve de Donald Trump, de Lauric Henneton (Vendémiaire) ou Amérique années Trump, de Jérôme Cartillier et Gilles Paris (Gallimard). Charles-Philippe David et Élisabeth Vallet se demandent Comment Trump a-t-il changé le monde ? (CNRS éditions). Enfin, Jean-Bernard Cadier propose la biographie du candidat à l'élection présidentielle, Joe Biden, une histoire américaine (L'Archipel). Correspondante pour les médias français à Washington, Sonia Dridi dresse aussi le portrait du champion démocrate dans Joe Biden - Le pari de l'Amérique anti-Trump (Rocher). Ces deux titres se révéleront-ils les premiers consacrés au 46e président des États-Unis ? Réponse lors du scrutin, le 3 novembre.
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