2 mai > Essai états-Unis

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« L’amour, si ça veut dire quelque chose », répond le prince Charles, quand le journaliste lui demande s’il se marie avec la jeune « Lady Di » par amour. En France, contrairement à l’héritier de la couronne britannique, on entend par ce mot beaucoup de choses. On a même une conception assez particulière du rapport amoureux. Eros y est volubile et n’hésite pas à prendre la plume pour s’épancher. Au pays de la galanterie, les hommes et les femmes ont le goût de la volupté mais - même à l’heure de l’efficience informatique - servie, s’il vous plaît, avec les formes !

Mêlant l’érudition à l’anecdote personnelle, l’universitaire américaine Marilyn Yalom signe une généalogie de l’amour selon les Français et par le biais de leur littérature : Comment les Français ont inventé l’amour : neuf siècles de passion et de romance. D’Héloïse et Abélard aux existentialistes, jusqu’à Philippe Sollers, en passant par les héroïnes tragiques de Racine, « les amants névrosés de Proust » ou encore les liaisons saphiques de Violette Leduc, on tourne les pages sans s’ennuyer un instant. Entre Schadenfreude et compassion, on se délecte des malheurs des victimes d’Aphrodite. Le lecteur révise ses classiques, avec le plaisir insolite de reconnaître des textes à travers le prisme d’un regard étranger. Pas n’importe lequel. Rappelons qui est Marilyn Yalom. L’auteure du Sein, une histoire, qui ressort ces jours-ci au Livre de poche, est une spécialiste de littérature comparée, et notamment française, doublée d’une féministe engagée qui a dirigé l’Institut de recherches sur les femmes et le genre à l’Université Stanford. Dans Comment les Français ont inventé l’amour se croisent les deux centres d’intérêt de Yalom : littérature et question féminine. Quand, en 1976, raconte-t-elle, on lui demande de réviser l’édition de 1973 de The Norton anthology of world masterpieces since Renaissance, la professeure de lettres françaises est effarée : pas une seule femme dans ce florilège de la littérature mondiale ! Pire, « comment avaient-ils pu ignorer La princesse de Clèves ?». C’est après avoir lu le roman de Madame de La Fayette que Yalom décida d’étudier la littérature française. L’expérience éditoriale allait de nouveau orienter son parcours : « [Elle] m’a contrainte à repenser mon rôle dans le département de littérature, une discipline qui a souvent tendance à ignorer, voire dénigrer, la contribution des femmes, si remarquable soit-elle. » Ici, La princesse de Clèves est à l’honneur comme toutes les grandes figures féminines réelles et fictives : Iseult, la Julie de Rousseau, Madame Bovary, Colette, Duras… L’ouvrage de Marilyn Yalom trouve toute son originalité dans ces allers-retours constants que fait l’auteure entre période historique et temps présents (référence aux films de Lelouch ou d’Ozon, à l’affaire Strauss-Kahn), tissant ainsi une véritable histoire culturelle de l’amour en France. Le french paradox, selon l’Américaine, étant l’arrangement très français entre une bienséance héritée de l’amour courtois des troubadours et la passion qui prend la pleine mesure de son incarnation. Pas vu pas pris, l’adage ne vaut pas qu’en politique. S. J. R.

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