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Si, en France, la communication n'a fait que récemment et encore trop timidement son entrée dans l'univers des bibliothèques, les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne ont adopté sans complexe, et depuis de nombreuses années déjà, les outils de communication et de marketing issus du monde de l'entreprise et du commerce. Aux Etats-Unis, l'American Library Association (ALA), l'association de professionnels des bibliothèques la plus ancienne (créée en 1853) et la plus grande (66 000 membres) au monde, déploie un arsenal impressionnant de moyens. Elle dispose d'un bureau pour la promotion des bibliothèques, d'un bureau d'information, d'un bureau pour les relations avec le gouvernement et d'un budget dédié considérable. En 2007, Leslie Burger, alors présidente de l'ALA, nous confirmait que son association consacrait de gros moyens à promouvoir les bibliothèques et leur donner une meilleure visibilité dans la société américaine : "Il faut convaincre les Américains, et en particulier les élus, de ce que nous sommes capables de faire", affirmait-elle (1). L'association est à l'origine de très nombreuses manifestations telles que la Semaine nationale des bibliothèques organisée chaque année en avril depuis 1958, le Mois de la carte de bibliothèque en septembre, pour inciter les parents à inscrire leurs enfants à la bibliothèque, la Semaine nationale des amis de la bibliothèque en octobre, etc.

LES ÉCRIVAINS À LA RESCOUSSE

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Fait notable, il existe aux Etats-Unis une proximité plus importante qu'en France entre les bibliothèques et les auteurs. Ces derniers participent aux campagnes d'affichage en faveur des bibliothèques et sont largement présents dans les congrès organisés par l'association. La Semaine nationale des bibliothèques a fait cette année appel à John Grisham pour l'affiche portant le slogan "Visitez votre bibliothèque aujourd'hui et créez votre propre histoire" ainsi que pour une courte vidéo où l'auteur de best-sellers explique le rôle que les bibliothèques ont tenu dans son enfance, mais aussi dans le succès de ses premiers livres, achetés en nombre et recommandés par les bibliothécaires à leurs lecteurs. Lors du prochain congrès annuel de l'ALA, à la fin juin, à La Nouvelle-Orléans, de nombreux écrivains seront présents, dont le très médiatisé Harlan Coben. L'association a également lancé récemment l'opération "Les auteurs pour les bibliothèques", un partenariat dans lequel des écrivains prennent la parole en faveur des bibliothèques au niveau local ou national. Les écrivains déboursent 39 dollars pour s'inscrire au programme qui leur offre en échange différents outils de promotion de leurs livres auprès des bibliothèques (liens sur leur site, information sur leurs séances de dédicaces, etc.).

L'IMPLICATION DE LA PRESSE

Les Idea Stores disposent de 2 personnes dédiées au marketing et de 2 autres qui animent le site Internet et assurent la présence des bibliothèques dans les principaux réseaux sociaux.- Photo VÉRONIQUE HEURTEMATTE

La presse nationale, comme le New York Times, n'hésite pas à s'associer aux manifestations et aux prix organisés en faveur des bibliothèques. En 2007, l'ALA a noué un partenariat avec le magazine féminin Woman's Day pour publier régulièrement des témoignages de lectrices sur le thème "Comment la bibliothèque a changé ma vie". Pas moins de 2 000 histoires ont été relatées. L'opération a été renouvelée ensuite autour de différents sujets tels que "Comment la bibliothèque m'a aidé à démarrer mon entreprise" et "Comment la bibliothèque m'a aidé à améliorer ma santé". Library Journal, le principal magazine professionnel américain, est également un acteur très actif. Il organise, en partenariat avec Gale Cengage Learning (développeur de solutions informatiques dans le domaine de l'éducation et de la recherche) de nombreux prix comme le Library of the Year Award, doté de 10 000 dollars, qui distingue chaque année une bibliothèque pour son action. Le Best Small Library Award, organisé depuis sept ans, récompense quant à lui 3 établissements innovants desservant une ville de moins de 25 000 habitants. Le lauréat reçoit 15 000 dollars, et les 2 autres finalistes 5 000 dollars chacun. "Les gagnants acquièrent un prestige inestimable auprès de leur communauté et une attention dans les médias nationaux, avec bien souvent pour résultat une amélioration de leurs relations avec les élus locaux ainsi qu'une augmentation de leur budget", affirme Library Journal sur son site Web. Conforme en cela à un état d'esprit très américain, ce sont non seulement les établissements mais aussi les personnes qui sont mises en valeur. Organisé depuis vingt-trois ans et ouvert à tous les professionnels des Etats-Unis, du Canada et du Mexique, le prix du Bibliothécaire de l'année récompense un professionnel pour sa carrière et son implication en faveur de la lecture. Sur le même principe, Movers and Shakers distingue chaque année depuis dix ans des professionnels pour leur travail remarquable dans différents domaines (innovation, technologie, communication, marketing, etc.). Les lauréats ont droit à un grand portrait dans un dossier spécial du journal consacré à la manifestation.

UN ZESTE D'IMAGINATION

Si en France les professionnels se sont longtemps montrés réticents à "vendre" leurs bibliothèques, les Américains et d'autres professionnels ailleurs sont beaucoup plus pragmatiques et décomplexés quant aux moyens à utiliser. Un peu partout dans le monde, les bibliothèques rivalisent d'imagination pour communiquer de manière plus attractive et moderne.

Dans le réseau des bibliothèques publiques d'Amsterdam, dont l'emblématique médiathèque ODE ouverte en 2007, 6 personnes s'occupent du marketing et de l'animation des supports de communication imprimés ou numériques.- Photo VÉRONIQUE HEURTEMATTE

Récemment, une bibliothèque scolaire du Kansas a publié en ligne une BD baptisée La bibliothèque des morts-vivants, qui entraîne ses personnages dans les différentes classes de la Dewey et constitue un guide d'utilisation pour le moins original.

Le réseau des bibliothèques municipales d'Amsterdam dispose d'un service marketing qui emploie 6 personnes. Sa mission consiste à informer des nombreuses manifestations et activités des bibliothèques, mais mène également une démarche proactive pour connaître les attentes des différents publics et mieux communiquer de manière ciblée avec eux. "Nous réalisons régulièrement des enquêtes pour connaître notre public, savoir qui fréquente nos différentes manifestations, mieux comprendre les raisons qui les motivent pour adhérer à la bibliothèque, explique Iet Wiersma, du département marketing. Nous menons 10 actions spécifiques de marketing par an, par exemple écrire aux parents des enfants qui fréquentent nos bibliothèques mais qui n'ont pas eux-mêmes de carte, ou encore promouvoir certains services, comme le prélèvement automatique du montant annuel de l'adhésion." Les bibliothèques d'Amsterdam publient un magazine mensuel et sont, bien sûr, présentes sur les principaux réseaux sociaux, qui ont pris une place essentielle dans la stratégie de communication de nombreuses bibliothèques.

Le réseau des Idea Stores de Tower Hamlet, dans la banlieue de Londres, est particulièrement actif dans ce domaine sur Twitter, Facebook, YouTube ou Flickr, ce qui permet une communication massive et cohérente autour de ses événements. "Notre site Internet est l'un de nos plus grands atouts, explique Bob Stuart, l'un des deux salariés du service marketing. Une sorte de cinquième Idea Store où les gens peuvent trouver les informations qu'ils cherchent sans avoir à se déplacer. Ils peuvent télécharger des ebooks ou des livres audio, réserver des documents, s'inscrire en ligne."

(1) Voir LH 699, du 31.8.2007, p. 74.

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