« Vous ne nous imaginiez pas immortelles quand même ? », a lancé Sambre à ses deux amies Rosie et Helga avant de quitter définitivement leur bohème colocation, sonnant la fin de la fête. Terminé le Campo, ce grand appartement parisien en rez-de-chaussée, meublé de bric et de broc, où les trois étudiantes en lettres venues de l'est de la France consumaient sans se projeter leur ardeur de vivre. Plusieurs décennies plus tard, Helga, l'observatrice, la contemplative de la bande, est là pour raconter ce qu'il est advenu de leur trio après la rupture. Aucune nostalgie dans son récit, encore moins d'amertume. Au contraire, un consentement, un salut reconnaissant au temps, aux amours et à leurs métamorphoses. Au parfum du tilleul les soirs de juin, au « miracle » d'un drap de lin qui d'« étoffe devient peau », à la liberté de porter des « vieux habits flottants, usés et mous ». Au pot de gelée de mûres maternelle qu'Helga préfère aux photos « qui n'exhibent pas une présence, mais de l'absence, de la perte »... Retrouver Fabienne Jacob, chroniqueuse jeunesse de Livres Hebdo, c'est poursuivre une conversation intime avec des amis de longue date, avancer de fil en aiguille dans un récit confident, profond comme la coquetterie. C'est se sentir appartenir à une vaste et hétérogène communauté de femmes et d'hommes, qui, avec nous, aiment, vieillissent, pleurent leurs disparus. Mais chantent et dansent aussi, comme si nous étions immortels.