Vingt-deux éditeurs européens étaient invités à cette occasion – parmi lesquels onze éditeurs du programme Fellowship à Paris 2019 qui se tient jusqu'à vendredi 22 mars - des responsables de droits et agents étaient présents de sorte que la salle était bondée, nécessitant d'installer des chaises dans une pièce attenante avec un écran pour suivre les débats.
Trois points de vue européens
Pour un Bulgare comme Georgi Borissov, à la tête des éditions Fakel Express, qui édite Alexandre Soljenitsyne, Joseph Brodsky, Michel Houellebecq, Yasmina Reza ou Muriel Barbery, "la littérature dissidente russe est de culture européenne dans la dénonciation du totalitarisme". Son expérience le pousse à dire que le public bulgare apprécie "la prose qui parle des sociétés postsoviétiques comme dans les romans de Limonov ou Une exécution ordinaire de Marc Dugain", sur le sous-marin nucléaire Koursk. Il aime aussi les auteurs dont le régime communiste a empêché la publication comme Cioran ou ceux qui pointent le déclin de la société contemporaine de consommation comme les ouvrages de Michel Houellebecq.
"La réception des auteurs européens en Grèce est imprévisible et il n'y a malheureusement pas de recette pour toucher les lecteurs", pointe Konstantinos Papadopoulos, qui dirige Potamos. Face à une nouvelle tendance "nationaliste" dans les catalogue d'éditeurs grecs, à l'approche d'élections européennes et nationales, il continue à traduire des auteurs européens et prend l'exemple de trois titres aux destinées aussi variables qu'imprévisibles. Il constate qu'un roman comme Le tabac Tresniek de Robert Seethaler (édité en France par Sabine Wespieser en 2014) qui parle de Freud et de Vienne séduit le public tandis que Peur de Dirk Kurbjuweit (publié en France par Delcourt en 2018) sur le harcèlement et la violence n'a pas du tout intéressé les lecteurs. Il a par ailleurs été très surpris de l'échec des Cahiers d'Esther de Riad Sattouf (édité en France par Allary en 2017) qui ne parle pas au public grec.
L'anglaise Isabel Wall de Viking a rappelé le peu d'attrait de l'édition britannique pour les traductions, qui ne représente que 2% de la production, concentrés dans la fiction littéraire. Mais dans ce domaine les traductions ont progressé de 20% dernièrement. " C'est bien l'un des seuls points positifs du Brexit : il pousse les lecteurs britanniques à essayer de comprendre l'Europe!" a-t-elle lancé. Pour les livres traduits, principalement du français (20%), la commercialisation est différente avec des couvertures particulières et un passage rapide en poche avec rabats "cela fait plus européen pour nos lecteurs".
Ce débat, qui faisait suite aux trois rencontres de la veille ("Existe-t-il une Europe des livres ?","La circulation du livre et des écrits en Europe","Éditeurs européens et libraires francophones d’Europe : quelles passerelles pour promouvoir les littératures européennes ?") s'est poursuivi avec une table ronde intitulée : "Droit d’auteur, contrat d’édition, échanges de droits et traduction : peut-on parler de pratiques unifiées en Europe ?".