24 mars > Roman Danemark > Mathias Storch

Les Presses de l’Université du Québec ont eu l’initiative de donner à lire pour la première fois en français des écrivains du Groenland rarement traduits dans d’autres langues que le danois, la langue du pays qui a colonisé l’Arctique à partir de 1721. La collection "Jardin de givre" dirigée par Daniel Chartier accueille ainsi, après Je ferme les yeux pour couvrir l’obscurité de Kelly Berthelsen, deux romans considérés comme les premiers de la littérature du pays-continent : Trois cents ansaprès d’Augo Lynge, un roman policier d’anticipation paru en 1931, et ce Rêve d’un Groenlandais, un roman d’initiation écrit par Mathias Storch, un pasteur progressiste, fils d’un chasseur de phoques, né en 1883 au Groenland du Nord, paru en groenlandais à Copenhague en 1914, et en danois en 1915.

Dans ce roman toujours lu et étudié, le personnage principal, Paavia, est un jeune Inuit qui devient élève catéchiste, alter ego inspiré du propre parcours de l’écrivain. Une biographie de l’auteur présenté comme un "défricheur" et une présentation critique de la littérature groenlandaise introduisent ce roman aux visées sociopolitiques où Storch observe à travers l’itinéraire d’un enfant pauvre, précoce et malin, le mépris et les malentendus qui tendent dans les années 1900 les relations entre les Groenlandais des villages et les Danois des villes de colonie, les inégalités de richesse et d’accès aux connaissances. Il milite sous couvert de la fiction pour une meilleure éducation des autochtones dans une cohabitation respectueuse et confiante. Mais dénonce aussi les mariages arrangés, plaidant en réformateur pour une adaptation des traditions culturelles inuites. Il offre ainsi un regard inédit, de l’intérieur, sur l’identité nationale, la culture religieuse singulière et l’imaginaire poétique du Grand Nord. V. R.


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