20 mai > Enquête France

Maryse Choisy, 1903-1979, était un modèle d’excentrique qui passa, dit-on, la première partie de sa vie à se faire remarquer et, après une conversion au catholicisme, la seconde à se faire oublier. Elle réussit aussi bien dans l’une et l’autre entreprise. Sans doute dès lors, si elle était encore de ce monde, serait-elle contrariée d’apprendre que Stock s’apprête à la tirer de son oubli en rééditant son livre le plus vendu lors de sa parution en 1928 (450 000 exemplaires), Un mois chez les filles.

Un mois durant, Maryse Choisy, sous l’identité d’emprunt d’une femme de ménage, s’immergea dans le quotidien de maisons closes parisiennes. De cet univers, popularisé par Carco ou Mac Orlan, qui suscite alors une fascination très forte, Choisy dresse les "jeux de rôle". Voici Manon, la femme du monde, Mimi, la négresse (depuis Joséphine Baker, il en faut une), Carmen, l’indépendante, et Julie, la fausse mineure ("Une gosse sortie de" La Vie Parisienne". Elle a un demi-mètre de squelette et un kilomètre d’insolence. Elle n’est ni blonde ni brune. Elle est Batignollaise. Son nez regarde les aviateurs. Ses seins regardent son nez. Ses yeux ne regardent rien. La bouche lui sert à tout. Elle a peut-être un cerveau.").

Toute en vivacité, en vacheries dignes d’une Dorothy Parker parigote, Maryse Choisy croque ce monde en voie de disparition ou de mythification. Ce jeu de massacre est réjouissant tout du long, et l’acidité du propos, son féminisme se composent aussi d’un regard tendre porté sur ces putains doublement innocentes. Les bourgeois sont des cochons, les filles sont perdues. Tout est à sa place. O. M.

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