7 mai > Roman policier Mali

En dépit de sa verve coutumière, de la vivacité de son style et de son originalité, on ne peut s’empêcher de lire L’affaire des coupeurs de têtes avec une certaine tristesse. D’abord parce qu’il s’agit de l’ultime roman écrit par le Malien Moussa Konate, mort à Limoges en 2013, qui fut l’un des intellectuels de l’Afrique, écrivain, dramaturge, éditeur, cofondateur du festival Etonnants voyageurs à Bamako. Mais aussi parce que du roman en soi s’exhale une certaine mélancolie, la nostalgie d’un monde en voie de disparition : la ville de Kita, capitale des Kitankés, agriculteurs malinkés spécialisés dans la culture de l’arachide, n’est plus la bourgade d’antan fidèle à la tradition, respectueuse de "l’esprit des ancêtres", où tout le monde se connaissait et où tout se réglait sous l’arbre à palabres. Aujourd’hui, Kita se développe anarchiquement, et elle est la proie d’aigrefins "mondialisés", pour qui tout est source de profit : y compris les crânes des morts qui, selon une vieille superstition, permettraient de trouver des diamants. Il n’en faut pas plus pour qu’une bande de malfaiteurs organisés se mettent à décapiter des mendiants dans les rues de Kita, afin de s’approprier leurs crânes. Mais qui tire les ficelles de ce trafic, et de quelques autres ?

Le commissaire Dembélé et son adjoint, Sy, semblent un peu dépassés par les événements. Aussi de Bamako leur envoie-t-on le commissaire Habib et son adjoint, le jeune Sosso, que les lecteurs de Konate connaissent bien. Le flic chevronné, fin limier malinké, et son second, un Bambara vif et courageux, vont prendre l’enquête en main et finir par dénouer l’écheveau. Et c’est Habib, de retour au pays qu’il peine à reconnaître, qui va se faire le porte-parole du romancier, né lui-même à Kita en 1951.

La boucle se boucle, le livre se referme. Demeure un petit monde que, comme celui de bien d’autres héros de romans policiers, le lecteur aura plaisir à revisiter régulièrement. J.-C. P.

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