Rentrée littéraire 2021

Florent Gabarron-Garcia, « Histoire populaire de la psychanalyse » (La Fabrique) : Psychanalyse révolutionnaire

Florent Gabarron-Garcia - Photo DR

Florent Gabarron-Garcia, « Histoire populaire de la psychanalyse » (La Fabrique) : Psychanalyse révolutionnaire

Florent Gabarron-Garcia montre une autre aventure de la psychanalyse, aussi politique que clinique, à laquelle Freud n'aurait sans doute pas été insensible. Tirage à 3000 exemplaires/

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Par Laurent Lemire
Créé le 07.09.2021 à 21h08

La psychanalyse n'est pas « populaire » dans le sens où elle possède des origines et un enracinement « bourgeois ». Les guillemets sont de mise en l'occurrence car les mots véhiculent tant de préjugés qu'il faut les mettre à l'abri d'une surinterprétation politique, bien que la politique ne soit pas absente du travail stimulant de Florent Gabarron-Garcia.

La question posée est à la fois simple et compliquée : à partir de quand la psychanalyse s'est-elle ancrée dans le réel ? Cela suppose de réintégrer l'inconscient dans le champ social. Or, dès les premières années de cette discipline, l'idée qui a prévalu est celle de la « neutralité ». Cette position défendue par Ernest Jones, l'hagiographe de Freud, a coûté cher au mouvement dans les états totalitaires en Europe dans les années 1930, notamment avec le régime nazi, ou dans les dictatures en Amérique latine dans les années 1970. « Définir la psychanalyse comme apolitique, neutre, indifférentiste et pessimiste n'a pas été sans conséquence. »

Une psy réac en ligne de mire

Psychanalyste et psychologue, maître de conférences à Paris 8, Florent Gabarron-Garcia suggère une autre lecture de Freud. Il s'intéresse au Sigmund qui justifie la révolte des opprimés et qui dénonce le sort fait aux femmes dans L'Avenir d'une illusion (1927). Il le voit bien plus sensible au communisme qu'il a pourtant critiqué par la suite dans Le malaise dans la culture (1929). Il propose d'« ouvrir les textes à l'histoire » et de repérer ces « moments politisés de la psychanalyse ». Pour ce faire, il s'arrête sur quelques figures : Tatiana Rosenthal, engagée auprès des bolcheviks qui ne voit aucune coupure entre Marx et Freud, Wilhelm Reich qui reçoit des patients pauvres à la policlinique de Vienne, Marie Langer, psychanalyste marxiste et féministe dans la Vienne rouge qui poursuit sa pratique analytique en Amérique latine ou le psychiatre François Tosquelles, proche des républicains espagnols dont les travaux aboutiront à la clinique de La Borde et au livre L'Anti-Œdipe de Deleuze et Guattari en 1972. Dans ces mêmes années 1970 apparaît également en Allemagne un renouveau de la psychanalyse avec l'expérience d'Heidelberg et le Collectif socialiste de patients (SPK).

Pour Florent Gabarron-Garcia la psychanalyse est devenue aujourd'hui majoritairement réactionnaire. « La liste de ses prises de position rétrogrades s'allonge à un rythme accéléré ces derniers temps, tout en grimpant sur l'échelle de la bêtise et de la mauvaise foi. » Il parle d'ailleurs non plus de psychanalyse, mais de psychanalysme pour mettre en évidence un discours de domination, discours qu'il veut par ce livre « mettre en pièces ». Voici donc un ouvrage politique et polémique qui demeure intéressant par son regard sur la psychanalyse comme « témoin d'une souffrance muette et sans nom qui peut aller jusqu'à s'emparer du réel du corps ». Une histoire peu orthodoxe, fort agréable à lire, dont le mérite est de faire ressortir des acteurs happés par les révolutions et des courants oubliés.

Florent Gabarron-Garcia
Histoire populaire de la psychanalyse
la Fabrique
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 14 € ; 216 p.
ISBN: 9782358722179

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