Nous sommes en Pologne, un "vieux pays de la vieille Europe", à l'heure du postcommunisme. Plus précisément à Jadowia, un petit village à cent cinquante kilomètres de Varsovie, entouré d'une ample forêt de pins, de bouleaux, de chênes et de frênes. Ici, dans un intrigant roman qui n'a rien d'un thriller classique, il sera question de silence et de vodka, "de péripéties locales, de corruptions mineures en vue de profits douteux, de châtiment et de pardon, d'un passé que l'on respecte et que l'on redoute".

La narration de certains chapitres revient à Leszek. Un paysan de vingt-six ans aux yeux bleus qui veille sur dix hectares et six champs, douze vaches, un porc, un cheval, un tracteur et une moissonneuse-batteuse d'occasion. Son père est mort, sa mère voudrait le voir marié. En attendant l'élue, Leszek a une liaison avec Jola, l'épouse au teint laiteux parfait d'un vétérinaire alcoolique. La belle n'a pas envie de divorcer, elle a déjà commis trop d'erreurs, "un paquet d'erreurs".

Jadowia est en émoi quand on apprend la mort de Tomek Powierza, la tête éclatée par un coup violent. Les rumeurs vont bon train. Le drame est-il lié aux affaires du patron de la distillerie, Jablonski, que l'on sait avide de pouvoir et que la majorité du village considère comme un escroc ? A-t-il un rapport avec le passé local ? On rappellera l'arrivée des Allemands pendant la guerre. Lorsque les Juifs furent rassemblés et d'abord parqués. Puis emmenés jusqu'à la place du village, tout près de l'arrêt de bus, avant d'être abattus...

En mémoire de la forêt détonne agréablement dans le catalogue de Sonatine, tant par son intrigue, sa construction que par sa géographie. L'unique roman de Charles T. Powers, né en 1943 dans le Missouri et décédé brutalement en 1996, s'affirme comme l'une des plus singulières découvertes de la rentrée étrangère.