7 novembre > roman Etats-Unis

L’œuvre incandescente de Harry Crews est l’une des plus saisissantes qui soient. D’abord introduit en 1974 chez Albin Michel, puis remis à la lumière vingt ans plus tard grâce à Patrick Raynal au temps où il dirigeait « La Noire » et la « Série noire » chez Gallimard, l’Américain a sonné les lecteurs français avec des titres comme La malédiction du gitan ou Le chanteur de gospel (« Folio policier »).

C’est encore à Patrick Raynal que l’on doit la traduction chez Sonatine du deuxième roman de Crews, un opus majeur de 1969. On y retrouve l’atmosphère étrange qui est la signature de celui qui nous a quittés en 2012. Ainsi qu’une fière galerie de freaks comme il a toujours eu coutume de les peindre avec une plume unique. Il faut donc grimper au plus vite vers Garden Hills, au milieu de la péninsule de Floride.

On croise d’abord là le mignon John Henry Williams, dit Jester, à qui tout le monde sourit depuis toujours. Lequel porte un costume et une cravate de soie verte, une chemise jaune. Des bottes à talons qui lui permettent presque d’atteindre un mètre vingt-deux pour quarante-cinq kilos. Brisé de l’intérieur, le jockey ne monte plus grand-chose, à part une mulâtre prénommée Lucy, depuis que son premier pur-sang s’est suicidé quand il avait 14 ans.

Jester conduit une vieille Buick avec « d’énormes ailes ballonnées, des phares chromés et des rideaux sur les vitres arrière ». Il est au service de Fat Man. Un mètre cinquante-deux pour deux cent soixante-dix-neuf kilos. Un homme « riche au-delà de toute expression » qui possède l’usine locale à trois étages, les mille six cents mètres carrés de sol minier contenant trois cent quinze lacs non poissonneux et deux cent treize collines de terre, l’une d’entre elles si haute qu’on l’appelle la « Montagne de Phosphate ».

N’oublions pas Dolly, élue Reine du Phosphate quand elle avait 16 ans. Une « beauté en péril, encore ravissante mais sur le bord de la pente qui la ferait rapidement glisser vers autre chose ». Entre les mains de Harry Crews, leur confrontation produit immanquablement des étincelles !

Alexandre Fillon

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