7 SEPTEMBRE - BD France

Photo RUPPERT & MILOT/DUPUIS

Les deux enfants terribles de la bande dessinée indépendante (Safari Monseigneur, Panier de singe, Irène et les clochards, à L'Association) associés au jeune virtuose prolifique et multiprimé du dessin (Le goût du chlore, Polina, chez KSTR, et d'autres titres chez Ankama, Dargaud ou Delcourt) : c'est la surprise de la rentrée. Experts du travail à quatre mains, Florent Ruppert et Jérôme Mulot s'en sont adjoint deux de plus pour réaliser une adaptation-transposition qui leur tenait à coeur de longue date, celle du dessin animé Signé Cat's eyes. Lui-même dérivé du manga Cat's eye de Tsukasa Hojo, d'abord publié en 10 volumes chez Tonkam, puis en 15 chez Panini, il a en effet bercé leur enfance à la fin des années 1980. Il leur donne l'occasion de mettre en scène, dans un beau méli-mélo de leurs styles respectifs, un trio féminin dans lequel on peut aussi s'amuser à voir un double turbulent du trio d'auteurs.

Sortes de Fantômette à l'envers, spécialisées dans le rapt d'oeuvres d'art, Carole et Alex se sont fait la main au musée d'Orsay sur Le déjeuner sur l'herbe. Elles sont bientôt rejointes par Sam pour honorer une autre commande : le vol, au musée du Louvre, du célèbre tableau d'Ingres La grande odalisque, qui donne son titre à l'album. La préparation de l'opération - repérages, rassemblement du matériel - et sa mise en oeuvre fondent un récit épique émaillé de morceaux de bravoure. Le pittoresque trio doit récupérer au Mexique son pourvoyeur en armes prisonnier de narco-trafiquants, avant de se livrer à de spectaculaires performances à moto sur la pyramide et les toits du Louvre auquel est rendu un hommage paradoxal. Mais c'est surtout la multiplication des situations incongrues, voire absurdes, qui apporte à l'ensemble son piquant.

Car dans cet univers à la James Bond, complété de discrètes citations d'Hergé ou de Walt Disney, on peut voir Alex lâcher Carole en plein milieu d'un cambriolage pour répondre à un texto de rupture, Carole négocier dans sa baignoire avec un commanditaire manchot, Sam tirer des balles soporifiques systématiquement sur les mauvaises cibles, ou encore un vendeur d'armes en short. Des décalages qui permettent à Bastien Vivès, Ruppert et Mulot de camper de beaux portraits de femmes, libres mais perdues dans un monde qui n'a plus guère de sens.

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