La campagne d'Égypte, expédition menée par Napoléon Bonaparte en 1798, s'est terminée deux ans plus tard par un fiasco militaire au profit de des Anglais, nos ennemis résolus, et de l'Empire ottoman, dont l'ancienne terre des pharaons était une province. Pour le jeune général, qui se voyait en continuateur d'Alexandre le Grand, l'Égypte n'était qu'une étape vers les Indes, dont il rêvait de chasser les Anglais. Mais la politique l'a bien vite rattrapé : dès 1799, il avait dû regagner la France pour sécuriser son pouvoir.

L'aventure, elle, si l'on se place du point de vue de l'histoire et des contacts entre les civilisations, eut des conséquences bien plus positives. Grâce aux savants, scientifiques, artistes, écrivains, archéologues venus avec lui, Bonaparte permit au grand public français de redécouvrir l'Égypte antique.

Ce sont des Français, Champollion, puis Vivant Denon, Mariette ou Maspero, qui furent les premiers égyptologues. Des défricheurs, des passeurs passionnés, des sauveteurs de patrimoine, qui entraînèrent dans leur sillage, tout au long du XIX^e siècle, une multitude de voyageurs. Lesquels, majoritairement des hommes mais aussi quelques femmes, comme la globe-trotteuse, journaliste et militante féministe Olympe Audouard, ont tous laissé des textes (carnets, journaux de voyage, lettres, témoignages) et/ou des dessins ou des photographies.

Parmi eux, quelques noms illustres, le gotha de la littérature française : Chateaubriand, Flaubert et Maxime du Camp, Gobineau, Théophile Gautier, Nerval, Pierre Loti... De grands voyageurs, parfois collectionneurs, comme Émile Guimet. Ou des moins connus, souvent des fils de famille pour qui l'Égypte était désormais devenue une étape indispensable de leur Grand Tour, au même titre que Rome et la Grèce. Ainsi le jeune Louis Pascal.

La campagne d'Égypte aura réussi à faire du pays un must culturel, sans parler du percement du canal de Suez, initiative française menée à bien par Ferdinand de Lesseps, et inauguré en grande pompe en 1869, avec l'impératrice Eugénie en invitée d'honneur.

Après cela, l'Égypte devient vraiment une mode, en France, en Europe et aux États-Unis. Des guides de voyage lui sont consacrés (Joanne, Baedeker...), et, grâce à la vapeur, le trajet de Marseille à Alexandrie ne prend plus qu'une semaine. À tel point que Pierre Loti, séjournant en Égypte en 1907 pour y écrire La mort de Philae, l'un de ses plus beaux livres, se plaignait déjà qu'il y eût trop de touristes à Louxor !

Le travail de Gérard Réveillac et Nicole Tuccelli ne se veut pas exhaustif, mais juste un florilège, généreusement illustré. À travers des chapitres thématiques, il raconte les voyages des fans de vieilles pierres, notamment l'indispensable croisière sur le Nil, sans omettre les pillages. Certains, plus curieux, en profitent pour découvrir le pays moderne, ses habitants, leurs coutumes et leur sort, souvent misérable. Voyager, ça sert aussi (surtout ?) à ça. On a hâte de pouvoir repartir.