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Grégor Péan, « La seconde vie d'Eva Braun » (Robert Laffont) :Eva, Rita, Raïssa, même combat

Grégor Péan - Photo DR

Grégor Péan, « La seconde vie d'Eva Braun » (Robert Laffont) :Eva, Rita, Raïssa, même combat

Sous la plume de Grégor Péan, Eva Braun devient la protagoniste d'une curieuse uchronie. Tirage à 9000 exemplaires.

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 09.12.2021 à 21h00 ,
Mis à jour le 12.12.2021 à 10h00

Si l'on consulte l'article Hitler des dictionnaires, on trouve, quant à sa fin : « Il se suicida le 30 avril (1945), sans doute avec sa maîtresse Eva Braun, qu'il venait d'épouser. » Sans doute, tout est là. On n'en est donc pas sûrs. Les cadavres ont été tout de suite brûlés par les troupes soviétiques, afin que rien ne demeure du monstrueux Führer, et que nul, par la suite, ne puisse venir lui rendre un culte malsain. Le bunker lui-même, où il avait vécu reclus depuis 1944 avec quelques familiers, dont la fameuse Eva Braun, a été dynamité, puis arasé. Il n'en fallait pas plus pour stimuler l'imagination d'un écrivain qui n'en manque pas. Rappelons que Grégor Péan, qui signe pour la première fois un livre sous ce nom, s'est déjà construit une carrière romanesque sous le nom de Jean Grégor. On lui doit en particulier le succulent et rock'n'roll L'ami de Bono (Mercure de France, 2005). Passion pour la musique réaffirmée ici, puisqu'Eva Braun, suite et fin s'ouvre sur une citation de Serge Gainsbourg, celui de Rock Around The Bunker, et ce n'est pas un hasard. Le début du roman raconte la vie du couple Hitler à Berlin, avec, en flash-back, le récit de leur idylle née à Munich en 1929. Eva avait 17 ans, Adolf 40, et Herr Braun père n'approuvait pas du tout même si par la suite, il s'est fait une raison : on ne résiste pas à un chancelier du Reich, surtout celui-là. Cette première partie est menée sur le ton du grotesque, de la farce tragique, dans un style parfois familier, gainsbourien.

Mais c'est à partir de l'entrée en scène de Natacha Petrovna, une Russe germanophone traductrice de Goethe, réquisitionnée en 1945 par le colonel Tataïev comme interprète accompagnant la marche vers Berlin et sa prise, que le livre affirme son originalité, et que l'uchronie prend tout son sens. Grégor Péan imagine en effet que ce n'est pas Eva Braun qui a été « suicidée » par les nazis, mais la malheureuse Ilse Decker, son double recruté par l'immonde Martin Bormann. Madame Hitler, elle, devait être conduite à Berchtesgaden mais ça n'a pas marché. Après des jours d'errance, elle est capturée par les Soviétiques, interrogée, torturée, violentée, puis internée dans le goulag de Magadan, dans le plus grand secret. Seule Natacha Petrovna était au courant, ainsi que Tataïev, qui ne rendait de comptes qu'à Staline en personne. Même après la mort du dictateur en 1953, Eva, sous le nom de code de Rita Goethe, n'existe pas officiellement. Ce n'est que bien plus tard, dans les années 1980, qu'elle racontera tout à son gardien tombé amoureux d'elle, Kachkanov, qui lui apprend le russe et la fait naturaliser sous le nom de Raïssa Poliakov. Dernier avatar d'une jeune femme légère prise, par amour, dans la tourmente de l'histoire, victime autant que coupable, que Natacha ira revoir et avec qui naîtra une espèce d'amitié. Leurs retrouvailles et leurs confidences constituent l'une des plus belles scènes du livre. Veuve, Eva serait retournée en Allemagne, et morte à Berlin, SDF, le 6 février 1992, à 80 ans.

C'est inattendu, un peu foutraque, fort bien documenté, plausible, et le talent de Grégor Péan fait le reste.

Grégor Péan
La seconde vie d'Eva Braun
Robert Laffont
Tirage: 9 000 ex.
Prix: 19 € ; 224 p.
ISBN: 9782221256626

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