Avant-Critique Roman

Écrivain voyageur, même si, depuis les confinements et la prise de conscience générale du saccage de notre planète, il est devenu néo-rurbain et ménage son bilan carbone, Guillaume Jan s'est retrouvé en quelques « traîne-savanes » plus ou moins glorieux, qui, poussés par un démon intérieur, ont usé leur vie à bourlinguer, explorer, repousser les limites de la connaissance de notre géographie. Des cartographes, surtout, pour qui Jan, parti lui-même dans les Balkans avec pour tout viatique une vieille carte du temps de la Yougoslavie, éprouve une véritable passion. De tout cela, et surtout de son continent de prédilection, l'Afrique (marié avec une princesse pygmée, Belange, il a longtemps vécu en République démocratique du Congo, en pleine forêt), il a tiré quelques livres, quatre jusqu'à celui-ci, aussi rares que remarqués. Notamment Le baobab de Stanley (François Bourin, 2009, repris par Le Livre de Poche en 2016).

Cette fois, Guillaume Jan s'est retrouvé dans un certain Guillaume Jean, ou Lejean, son presque homonyme, son compatriote breton du Finistère, son complice en voyages (fasciné lui aussi par les Balkans, les cartes, la découverte des sources mythiques du Nil...), qu'il feint, dans un prologue amusé, de considérer comme son trisaïeul, tutoie sans façons, et dont il va raconter le parcours, de manière vagabonde, erratique, et en envoyant souvent la chronologie aux orties. Les deux ont eu une enfance rustique, petits korrigans dans la forêt de Brocéliande, ou presque. Cette reconstitution biographique, mais comme vue de l'intérieur, alterne avec des épisodes de la vie de l'auteur lui-même, tels ou tels périples, souvenirs, aventures rocambolesques, comme tous les grands voyageurs en ont plus ou moins connu. Parfois, le rapprochement de ces deux vies parallèles est pertinent. Parfois c'est un peu plus tiré par la barbichette : « Je ne suis pas allé moi-même aux sources du Nil, mais quand même, ça me rappelle la fois où... » Jan retombe toujours sur ses pattes.

Côté coïncidences, il achève son livre en plein confinement, en 2020, l'année de ses 47 ans, l'âge auquel est mort Guillaume Lejean, en 1871, épuisé par une fièvre tenace (malaria, typhoïde, paludisme ?) attrapée quelque part, et en butte à l'hostilité des voisines lavandières de son village de Plouégat-Guérand. La France vient de perdre la guerre, elles le prennent pour un agent de Bismarck parce qu'il est plutôt bien mis, et qu'elles ne reconnaissent plus le gamin avec qui elles ont joué bien des années auparavant. Républicain même s'il avait travaillé un temps en tant que diplomate cartographe pour Napoléon III, Lejean en a souffert, ses carnets en témoignent, et a fini seul et misérable.

Guillaume Jan a effectué le pèlerinage à la maison natale de son supposé aïeul, modeste et abandonnée. Quant à Lejean, inconnu des autochtones. Il n'a décidément pas eu de chance, échouant même à découvrir les sources des deux Nils. Les Anglais étaient passés avant lui.

Guillaume Jan
Alias Lejean
Stock
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 19 € ; 198 p.
ISBN: 9782234088979

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