Hachette Book Group, dont la maison Grand Central Publishing devait publier le 7 avril les mémoires de Woody Allen,
Apropos of Nothing, a annoncé vendredi 6 mars qu'il annulait la publication de livre, suite aux critiques que la future sortie du livre du cinéaste a suscitées.
Stock, filiale d'Hachette, devait faire paraître la traduction française,
Soit dit en passant, le 27 avril. Contacté par
Livres Hebdo, l'éditeur
Manuel Carcassonne souhaite toujours publier le livre, mais HBG a rendu tous les droits à l'auteur.
"
La décision d'annuler le livre de M. Allen a été difficile (...), nous n'annulons pas de livre à la légère", a indiqué dans un email à l'AFP
Sophie Cottrell, porte-parole du groupe Hachette aux Etats-Unis. "
Nous avons publié et continuerons de publier de nombreux livres difficiles. En tant qu'éditeurs, nous nous assurons chaque jour dans notre travail que différentes voix et différents points de vue peuvent être entendus" affirme la porte-parole dans le communiqué. Jusqu’à présent, les grands éditeurs américains s’étaient refusés à publier l’autobiographie du cinéaste.
Police de la pensée
Dénonçant personnellement "
une police de la pensée qui exclut toute forme d'expression autre que la sienne", Manuel Carcassonne rappelle que "
les Etats-Unis ne sont pas la France". "
J'espère qu'il se trouvera des éditeurs libres, au nombre desquels j'espère me compter, pour publier les Mémoires d'un grand et pourtant modeste créateur du siècle" affirme l'éditeur à
Livres hebdo.
Pour Hachette Book Group, la pression interne et externe était cependant trop forte en terme d'images. "
Ces derniers jours la direction de Hachette Book Group a eu de longues discussions avec le personnel et d'autres. Après avoir écouté, nous sommes arrivés à la conclusion que maintenir la publication n'était pas faisable pour HBG", a ajouté Sophie Cottrell.
Ambiance (de travail)
"En tant qu'éditeur, nous veillons chaque jour dans notre travail à ce que des voix diverses et des points de vue contradictoires puissent être entendus. En tant que société, nous sommes également déterminés à offrir une ambiance de travail stimulante et chaleureuse à tous nos employés" a précisé le groupe.
Cette décision intervient au lendemain d'un débrayage de 70 employés d'Hachette, qui sont sortis de leurs bureaux à New York pour dénoncer la publication du livre du cinéaste, accusé d'avoir abusé sexuellement de sa fille adoptive Dylan Farrow en 1992.
Satisfaction du côté du clan Farrow
Cette action était elle-même la suite de protestations émises par le journaliste du New Yorker Ronan Farrow, frère de Dylan et à la pointe du mouvement #MeToo, lui-même publié par le groupe Hachette. Lui qui a toujours défendu sa soeur avait annoncé avoir appris cette parution par la presse avait déclaré avoir décidé de ne plus travailler avec Hachette.
Les accusations de Dylan Farrow ne sont pas nouvelles, et le célèbre cinéaste new-yorkais les a toujours réfutées. La justice avait classé l'affaire, abandonnant les charges contre le réalisateur. Mais soutenue par son frère et sa mère, Mia Farrow, Dylan Farrow les a renouvelées début 2018, dans la foulée du mouvement #MeToo.
Suite à l'annulation de la parution de l'autobiographie de son père, elle a remercié sur les réseaux sociaux les employés pour leur soutien et leur solidarité. Ronan Farrow, sur Twitter, a exprimé sa reconnaissance aux "employés et auteurs de Hachette qui se sont exprimés et à l’entreprise pour son écoute".
Selon
Manuel Carcassonne,
interrogé sur France Inter,
Soit dit en passant "
est un texte de 650 pages. C’est définitivement ce qu’on appelle des mémoires, une autobiographie. Le texte est formidable, amusant, plein d’humilité. Woody Allen est pour moi un grand artiste du siècle, un grand cinéaste. Mais au-delà du cinéma, c’est une vision de l’existence. Une vision drôle, de constante remise en cause de soi-même, une vision de l’absurdité de la vie et aussi de la mort."
La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.
"
Nous sommes dans un moment où il faut aussi garder son bon sens. Il me paraît évident qu’il ne faut pas tout amalgamer. Par exemple, Woody Allen n’est pas Roman Polanski. Une partie des faits dont Roman Polanski est accusé sont avérés et reconnus par lui. Ce n’est pas du tout le cas de Woody Allen, qui a toujours protesté de son innocence et qui l’a prouvé avec la justice américaine" explique le patron de Stock, ajoutant : "
Pour ma part, j’ai toujours été pour l’application stricte de la loi. Pas pour la culture de la suspicion, de la délation, de l’accusation systématique. Je souhaite qu’on envisage les faits avec exactitude, qu’ils soient en défaveur des hommes ou en défaveur des femmes, parce que ça peut aussi arriver."
L'éditeur précise: "
Je ne vous cache pas qu’à l’intérieur de ma propre équipe, entièrement composée de femmes, la lecture a fait fondre les réticences. Nous ne sommes pas de la même génération. Ce sont de jeunes éditrices. Elles ont à cœur de défendre la cause des femmes, elles font ça naturellement, comme elles respirent. La lecture du livre les a rassurées."