Le marché de la lecture digitale (audio et numérique) a bondi de 13,5 % en 2020, propulsé par les périodes de confinement et le contexte de fermeture des librairies. Alors que les études montrent qu’une écrasante majorité de lecteurs préfèrent le papier, pouvons-nous nous attendre à une baisse de la consommation de livres numériques en 2021 ?
Pas du tout, je pense que le marché de la lecture digitale est en pleine forme et que sa croissance va s’accélérer. Il est tiré vers le haut par le livre audio, qui permet de lire en faisant autre chose et séduit les jeunes générations. Le marché du livre dans son ensemble résiste bien, et c’est une très bonne nouvelle. Les lecteurs continuent de préférer le papier, c’est très bien aussi. Le digital, qui est un service complémentaire de l’expérience de lecture papier, un peu comme ce que Netflix est au cinéma, profite de ces phénomènes. Oui, la crise a eu un effet accélérateur, mais la croissance du marché est pérenne.
Ce qui m’inquiète en revanche, c’est que la crise a renforcé les parts de marché des grandes plateformes comme Amazon, ce qui est mauvais pour la diversité.
Justement, derrière Amazon (environ à 70 % de parts de marché), comment faire avancer les marchés des livres audio et numériques ? La filière digitale peut-elle enfin, après autant d’années de tâtonnement, s’organiser ?
Nous avions déjà fait un premier pas en 2016 en inscrivant les abonnements dans la loi du prix unique du livre, ce qui nous a apporté une bonne protection. Que faire de plus ? Les pistes sont multiples. Travailler avec la librairie indépendante d’abord. Aujourd’hui, je distribue mes abonnements avec Google et Apple, mais pas encore via les libraires, ce qui est absurde… Ce serait intéressant de distribuer nos offres audio pour les jeunes directement dans les librairies.
Créer plus de contenus originaux ensuite, en combinant les efforts des éditeurs et des plateformes de distribution comme Youboox, en allant chercher les jeunes lecteurs et en encourageant les créations locales. Une autre piste serait de développer les collaborations autour des données des lecteurs : travailler mieux sur la recommandation, augmenter la lecture en étant plus pertinent, permettre aux éditeurs de travailler sur certains contenus plutôt que d’autres, faites des prévisionnels de ventes etc.
Comprenez-vous encore la frilosité de certains éditeurs qui ne jouent pas le jeu des plateformes numériques car ils n’y voient pas d’intérêt en termes de chiffre d’affaires ?
Bien sûr que je les comprends, car le chiffre d’affaires est très faible par rapport au papier. L’enjeu n’est pas encore stratégique. Mais ça n’empêche pas de préparer l’avenir. Quand on voit les taux de croissance constatés sur l’audio, on peut imaginer que les revenus vont se développer très vite. Si on veut permettre aux jeunes de consommer des livres autant que des séries, pour moi il faut investir dès maintenant.
D’après vous, le modèle actuel du marché digital est-il respectueux de toute la filière ?
On peut toujours aller plus loin, mais aujourd’hui je pense que le modèle est vertueux autant pour l’éditeur que pour les auteurs et la plateforme de distribution. Youboox peut désormais assumer ses coûts et est bénéficiaire pour la deuxième année consécutive. Il n’y a pas de destruction de valeur pour l’éditeur, bien au contraire. Lorsqu’on regarde le panier moyen annuel des acheteurs d’e-books, il est autour de 50 euros. Si demain on arrive à tous les convaincre de prendre un abonnement, on crée de la valeur.
Pour moi, le modèle est vertueux et je suis fière de le dire : Youboox est rentable, les éditeurs partenaires sont satisfaits de leurs marges, donc les auteurs sont rémunérés en conséquence. Et les clients sont heureux car le coût de l’abonnement reste accessible au regard de l’offre de lecture.