D'Arthur Dreyfus, 24 ans, on se souvient qu'il a obtenu le prix du jeune Ecrivain pour sa nouvelle Il déserte, et qu'il a publié, en 2010, un premier roman enlevé, La synthèse du camphre, chez Gallimard. Journaliste, il est aussi scénariste et réalisateur.
Aujourd'hui, Dreyfus change à nouveau de genre littéraire en signant un essai, ludique en apparence mais assez grave sur le fond. Son point de départ consiste à remettre sur les rails du bonheur une toute jeune bobo de 20 ans, vulgairement matérialiste, laquelle vit déjà dans l'attente de sa retraite - encore quarante-sept ans à tirer, ce qui, vu l'état de notre système social, relève de la pure utopie. Pour ce faire, l'auteur a imaginé un petit traité de philosophie portative et positive, nourri de solides lectures. Arthur Dreyfus possède une vaste culture qui va de Saadi à Freddie Mercury en passant par Pavese, Gide, Sartre ou Charles Trenet. Sans jamais l'étaler, il s'en sert habilement pour étayer sa démonstration.
Au fil des pages témoignent ainsi Jean Giraudoux avec son Intermezzo, ou encore Tristan Bernard qui, venant d'être arrêté par la Gestapo, déclare avec superbe : "Jusqu'ici mon amie, nous avons vécu dans la crainte, maintenant nous allons vivre dans l'espoir."
Après avoir conseillé à sa copine, en guise de provocation, de se suicider, Arthur lui démontre que la vie est belle, que le bonheur se mérite et que "le cynisme est l'humour des paresseux et des médiocres ». Lui, pour sa part, n'est ni l'un ni l'autre, plutôt brillant et enthousiaste. Rien qu'une balade dans Paris, sur les quais des bouquinistes, le pont des Arts, dans un square où se retrouve un couple d'amoureux « gothiques", ou même dans le métro, à observer les gens, deviner leurs personnalités et leurs émotions, le met en joie. Des plaisirs simples, minuscules, "delermiens", comme savourer les gouttes de moka qui imprègnent le bout du cône glacé quand on le croque...
L'essai d'Arthur Dreyfus évite deux écueils : la pause et le gnangnan. Grâce, entre autres qualités, à sa forme inventive, maquette de Brieuc Dupont et illustrations de François-Xavier Goby. Même la façon dont, à la fin, il raconte les tribulations éditoriales de son livre est sympathique. Par les temps qui courent, une lecture agréable, intelligente et spirituelle ne peut être que bienvenue.