In waves, c'est-à-dire dans les vagues. Sur les vagues aussi puisqu'il s'agit du surf. De ses origines dans les îles de l'océan Pacifique, et singulièrement à Hawaï où elle constitue une activité sociale, ludique et spirituelle des populations polynésiennes, jusqu'à son émergence comme sport, à l'orée du XX^e siècle grâce au champion olympique de natation Duke Kahanamoku, qui en fait la promotion par des démonstrations aux Etats-Unis et dans le monde, et même à son acclimatation sur la terre ferme sous la forme d'une planche à roulettes. De sa découverte aussi, de nos jours, par AJ Dungo, initié par Kristen, dont il est éperdument amoureux depuis leur première rencontre à 16 ans, en 2005, jusqu'à la mort de cette dernière onze ans plus tard, victime d'un cancer généralisé après un combat aussi long que désespéré.

Surfant adroitement entre rétrospective historique et récit intime, le jeune illustrateur californien signe, au rythme de la houle, une étonnante poétique du surf. Il procède par allers-retours. Il entremêle les années, les lieux et les époques pour rendre, au-delà de la reconstitution des faits, parfois dans les versions divergentes de son amoureuse et de lui-même, un état psychique qui est aussi un état liquide, dans lequel circulent et se croisent de multiples courants d'énergie.

Dans les tons ocre et l'esprit du sépia, l'épopée de la planche : ses dimensions, sa forme, les matériaux qui la constituent, les hommes qui la chevauchent, les héros et les hérauts qui l'ont portée sur tous les spots de la planète. Dans les tons bleutés, l'amour dans son sillage sur la côte californienne : les sentiments qui soulèvent, les émotions qui submergent, et aussi la glissade, la déchéance inexorable de Kristen, au fil d'une amputation de la jambe et de sept opérations aux poumons qui laissent la jeune femme épuisée.

Au cours des derniers mois, elle peine à respirer. Depuis la plage, dans son fauteuil roulant, en essayant de se passer de bombonne d'oxygène pour respirer, autant que faire se peut, l'air du large, elle survit en regardant son homme évoluer sur les crêtes. Et les vagues, les vagues qui se succèdent inexorablement. Dans les vagues viennent se noyer et se magnifier les souvenirs et les émotions, les douleurs et les peines.