Connu pour ses planches très picturales remarquées, notamment, dans Le sang des Valentines ou les adaptations de Shutter Island et de Scarface (tous chez Casterman), Christian De Metter change radicalement de style pour produire un fascinant western. Revenant au crayon, au dessin brut, il bâtit une histoire complexe dont un drame familial est le cœur, mais qui tire sa force du brassage subtil des références emblématiques de l’histoire de l’Ouest américain : le rude travail de la terre sur un territoire peu sûr, la nature hostile, entre blizzard et bêtes sauvages, la violence des rapports sociaux, les fonctions nodales du whisky et du poker, le rôle des chevaux, la justice expéditive, la corruption, l’extermination des Indiens, la guerre de Sécession ou encore le racisme envers les Noirs.
Nous sommes en 1896 dans le Colorado. Jody MacKinley vit à la dure dans une ferme isolée avec son fils Sean. Son mari George est mort six ans plus tôt à Wounded Knee, et sa fille Abby est supposée l’être après avoir été enlevée peu après. Mais l’espoir de la retrouver renaît avec l’ouverture dans la ville voisine du procès d’un homme accusé de multiples enlèvements d’enfants.
Peu à peu cependant, l’accusé, le shérif, George et presque tous les personnages, jusqu’à la veuve elle-même, vont se révéler différents de ce qu’ils semblaient au premier abord. Par sa mise en place des protagonistes, son travail sur les regards, inquiets ou énigmatiques, Christian De Metter installe un climat troublant et distancié et un suspense envoûtant.
Fabrice Piault