Entretien

Directrice de l'Institut des sciences du travail de l'ouest, à Rennes, Stéphanie Le Cam est également enseignante et chercheuse en droit de la propriété intellectuelle et droit du travail. Sa thèse sur L'auteur professionnel, entre droit d'auteur et droit social (LexisNexis, 2014) a retenu l'attention de Bruno Racine, qui l'a invitée à se joindre aux travaux de sa mission.

Livres Hebdo : Comment interprétez-vous l'émergence d'un pôle plus revendicatif parmi les organisations d'artistes-auteurs ?

Stéphanie Le Cam : C'est un phénomène de génération dû à la précarisation sans précédent de l'activité d'auteur, qui entraîne le regroupement de gens unis par une nécessité ressentie de contestation sociale. Les organisations existantes de représentation des auteurs constatent aussi cette précarité grandissante, mais ne trouvent apparemment pas de solution pour changer les choses.

Qu'est-ce qui a distingué ces organisations lors de leurs entretiens avec la mission Racine ?

S.L.C. : Les représentants de la Ligue des auteurs professionnels, de la Charte des auteurs jeunesse et de la Guilde des scénaristes ou le Comité pluridisciplinaires des artistes-auteurs nous ont impressionnés par la qualité de leur préparation : ils sont arrivés avec une documentation abondante, exposant les problèmes et proposant des solutions. Les autres organisations sont bien conscientes des problèmes auxquels les auteurs sont confrontés, mais ils comptent d'abord sur le soutien des pouvoirs publics, notamment face aux grandes entreprises des nouvelles technologies, jugées responsables des plus graves menaces.

La contestation de la représentativité des organisations de gestion collective (OGC) vous semble-t-elle justifiée ?

S.L.C. : Les OGC ont un rôle évident dans la perception et la gestion des droits, mais ce ne sont peut-être pas les acteurs à interroger sur les questions sociales et professionnelles qui préoccupent les auteurs. Il faut savoir qu'elles catégorisent leurs membres en fonction du montant des droits qu'ils reçoivent, notamment à la SACD et la Sacem, où le nombre de voix dépend du volume des droits, et où les fonctions d'administrateur sont réservées aux auteurs justifiant d'un minimum de perception assez important. Ces critères de représentation ne sont pas neutres, alors que ces OGC sont représentées au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, que le ministre va consulter notamment à propos du contrat de commande. Dans un syndicat, tous les adhérents sont au même niveau.

Que pensez-vous de la revendication d'élections ?

S.L.C. : Il faut organiser des élections, c'est une nécessité, pour trancher cette question de la représentation des différentes organisations qui parlent au nom des auteurs, et des objectifs qu'elles défendent. Il est regrettable que le ministre ait annoncé qu'elles seraient organisées fin 2021 alors que des sujets importants seront débattus dans les prochaines semaines ou mois. Il serait possible de les préparer pour la fin de l'année en cours, en retenant sur la liste des électeurs les auteurs qui ont perçu au moins pendant une année au cours des quatre dernières écoulées la valeur de 900 SMIC horaires, ainsi que le préconise le rapport Racine.

Les dernières
actualités