Hommage

Isabelle Magnac et Céleste Surugue : « Uderzo était un immense artiste »

Isabelle Magnac et Céleste Surugue - Photo Olivier Dion

Isabelle Magnac et Céleste Surugue : « Uderzo était un immense artiste »

Isabelle Magnac, directrice générale d’Hachette illustré, et Céleste Surugue, directeur général des éditions Albert René, saluent une dernière fois le dessinateur d’Astérix, disparu mardi matin. Hommage et souvenirs.
 

Par Vincy Thomas
Créé le 24.03.2020 à 20h00

Livres Hebdo : Quel sentiment éprouvez-vous ?
 
Isabelle Magnac : On est tous très tristes. C’est rare de perdre un artiste de cette envergure.
 
Céleste Surugue : C’est en effet une immense tristesse. Je ne m’y attendais pas. Je ne l’avais pas vu depuis trois ou quatre semaines. Mais il y a un mois, il allait très bien. C’était un homme très attachant, loyal, fidèle en amitié. J’avais beaucoup d’admiration pour l’artiste. Sa disparition va au-delà de la bande dessinée.
 
Quel souvenir personnel gardez-vous de lui ?
 
C. S. : Une sortie récente à l’école des Gobelins, à l’occasion des 40 ans des 12 travaux d’Astérix (en 2016, ndlr). La salle était pleine d’étudiants émus et fascinés. Lui aussi l’était. C’était d’autant plus émouvant qu’il y avait des jeunes du monde entier pour discuter avec lui.
 
I. M. : C’est lorsque je l’ai accompagné à Angoulême, pour un hommage [en 2013, ndlr]. Il y avait des mouvements de foule incroyables. J’avais l’impression de me promener à Londres avec un Beatles. Il y avait un enthousiasme palpable. Un quotidien régional a noté le lendemain qu’il était toujours vaillant, malicieux et taquin…
 
En s’affranchissant de Dargaud et en contrôlant toute la chaîne autour d’Astérix, il a aussi été précurseur dans l’édition…
 
I. M. : Cette idée de regrouper l’ensemble des droits dans une maison autour d’une marque, c’était visionnaire. Il a été le premier à le faire. Il a su maîtriser ses déclinaisons, du cinéma au parc d’attraction, qui est souvent le premier contact avec Astérix pour les enfants. Il a positionné son personnage dans une éternelle jeunesse, assumant l’atemporalité d’Astérix.
 
C. S. : Il avait aussi une ambition artistique très forte. Il mélangeait les genres : l’émotion, le rire, le réalisme. Il était capable de mélanger les styles, du western-spaghetti aux gags, des personnages à gros nez à d’authentiques temples romains. En cela, il a modernisé l’écriture de la BD classique, influençant même son ami Franquin et les aventures de Gaston Lagaffe. 
 
Il nous quitte juste après les 60 ans d’Astérix. Mais on a l’impression que, contrairement à son ami René Goscinny, il n’a jamais eu les honneurs qu’il méritait.
 
I. M. : On est content d’avoir célébré les différents anniversaires l’an dernier. C’était un ultime hommage pour ses personnages. Mais il mérite un plus grand hommage, pour lui.
 
C. S. : L’hommage national est aujourd’hui rendu compliqué. Mais il faudrait que la France l’honore quand on sera sorti de la crise.
 
Et la suite s’annonce comment ?

C. S. : On travaillait ensemble sur la mise en avant et la valorisation du patrimoine. Il restait curieux et avait une belle confiance dans les projets qu’on lui amenait, comme le film de Guillaume Canet ou la série animée autour d’Idéfix. Il va falloir qu’on réfléchisse avec la famille aux projets célébrant son œuvre.
 
Et pour finir sur une note plus nostalgique, quel album préférez-vous ?
 
I. M. : Astérix c’est toujours lié à l’enfance, au premier album.
 
C. S. : C’est comme une Madeleine de Proust.
 
I. M. : Pour ma part, c’est Obélix et compagnie.
 
C. S. : Pour moi, c’est Le bouclier Arverne.
 
 

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