Biographie autoréflexive. Critique littéraire américaine réputée dans le monde entier pour son verbe acerbe et sa plume redoutable, Janet Malcolm, décédée en 2021, avait défrayé la chronique en 1989 avec son récit Le journaliste et l'assassin. Il s'agissait d'une histoire de trahison entre un homme accusé d'avoir tué sa femme et ses deux filles, et un écrivain journaliste se rapprochant de lui avant de le décrire comme un tueur psychopathe. Janet Malcolm y interrogeait notamment la complexité des liens entre un auteur et son sujet.
C'est précisément aussi ce qu'elle fait dans La femme silencieuse, paru en 1994 aux États-Unis. Janet Malcolm relate le parcours incroyable des différents biographes qui se sont attelés à retracer l'existence de l'une des poétesses les plus légendaires du XXe siècle, Sylvia Plath. Janet Malcolm choisit d'analyser cet appareil critique posthume à travers la relation entre Plath et son mari Ted Hughes, dont la liaison adultère a certainement contribué au suicide à 30 ans de son épouse. Janet Malcolm montre à quel point la poétesse a suscité des fantasmes, sur sa vie, sur celle de son mari, mais aussi sur son œuvre. Elle rappelle par exemple la mauvaise foi d'anciens amants éconduits par Plath, qui ont fait d'elle le portrait d'une femme impossible à vivre, insistant sur ses troubles. Elle tente de rendre justice à des travaux biographiques sur la poétesse qui n'ont, selon elle, pas été reconnus à la hauteur de leur intérêt notamment à cause des obstacles posés par certains membres de la famille de Plath. « Les membres de la famille, voilà les ennemis jurés du biographe », écrit Janet Malcolm au début de son récit. L'autrice développe le cas particulier d'Anne Stevenson qui a subi de vives critiques de la part de Ted Hughes à la sortie de son livre, Bitter Fame, en 1989. Janet Malcolm rappelle à quel point Ted Hughes, « à la fois éditeur et destructeur » de l'œuvre de Sylvia Plath, a été harcelé, poursuivi, et hanté pendant des années, à la mort de sa femme. Le récit prend parfois les allures d'une mise en abyme construite en triptyque où se reflètent les portraits de Plath, de Stevenson et de Malcolm. « Nos histoires personnelles sont aussi celles de tout un chacun », écrit cette dernière, « à condition que quelqu'un veuille bien s'y intéresser. »
La femme silencieuse. Sylvia Plath et Ted Hughes Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jakuta Alikavazovic
Éditions du Sous-sol
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 22 € ; 240 p.
ISBN: 9782364685390