Piaf ne regrettait rien (de rien). Antoine Gallimard, lui, « n’exclut rien », et il le dit dans le Nouvel Observateur . Toute la presse, à l’unisson, a célébré le centenaire de la NRF. Mais l’Obs , seul, a décroché le gros lot, avec un « Gallimard par Gallimard », l’histoire de la maison racontée par Antoine — qui n’a pas pris la plume personnellement, mais qui s’est confié à Didier Jacob. Beau papier sur la saga familiale, et sur la « vocation » d’Antoine. Il y raconte aussi comment il fréquenta, dans ses premières années, Genet ou Aragon. Devant le fils de son employeur, Genet était-il plus timoré que devant d’autres jeunes gens, à qui il lançait volontiers, comme le raconte Fabrice Luchini dans son spectacle Tout sur Robert des formules provocatrices. Mais Antoine Gallimard ne fait qu’évoquer Genet en passant. Ce n’est donc pas sur ce sujet qu’il « n’exclut rien », mais à propos de la bonne santé financière, de l’outrageante bonne santé financière diront certains, de sa maison : « Maintenant que notre indépendance et notre trésorerie ont été consolidées, je n’exclus rien ». En clair, Antoine piaffe d’impatience de sortir son carnet de chèques. On se souvient qu’Editis lui a échappé. On peut compter sur lui pour peser dans la recomposition du paysage éditorial que la crise pourrait accélérer — et déjà, on murmure qu’il s’intéresserait, par exemple, à Panama. *** Dans Le Figaro Littéraire , six pages de reportage lyrique sur une croisière de rêve en Méditerranée, à bord du Costa Serena, un paquebot dédié « au bien être et à la relaxation ». Sur le coup, je n’ai pas bien compris pourquoi ce papier, et surtout pourquoi maintenant : à cette époque, la presse nous parle plutôt de séjours à la neige, ou alors de bronzette dans l’Hémisphère Sud : en février, la Méditerranée, ce n’est pas vraiment the place to be . Mais en poursuivant ma lecture du Fig Mag , je tombe plus loin sur deux pages d’auto-pub, invitant les lecteurs à embarquer sur « la première croisière littéraire du Figaro ». Où ça ? En Méditerranée. Quand ça ? A l’automne prochain. Comment ça ? (et là, il faut tout bien lire, parce que ce n’est mentionné qu’une seule fois) A bord du Costa Marina… Dont on devine que c’est le frère plus ou moins jumeau du Serena. Ah, ils sont forts, au Figaro . Et comme on s’ennuie ferme en croisière, ils ont déjà prévu un jeu littéraire : « Une liste des livres et des auteurs présélectionnés pour le Goncourt vous sera communiquée. Un premier vote sera effectué à bord… », etc. Après le Goncourt de la place Gaillon, le Goncourt des lycéens, voilà le Goncourt des Croisières Costa. Goncourt : une marque déposée ? une enseigne à succursales multiples ? *** Le Figaro Madame m’a, lui, plongé dans un abîme de perplexité. Soit un dossier mettant en scène plusieurs couples médiatiques qui durent depuis plusieurs années, à qui Madame Fig a demandé « Comment font-ils durer leur amour ? » Catherine Millet et Jacques Henric font partie du casting. Catherine Millet y est présentée comme « écrivain ». Jacques Henric comme « romancier ». Pourquoi cette différence de traitement ? Pour ne pas inscrire deux fois « écrivain » ou deux fois « romancier » ? Possible, mais pas certain. Pierre Arditi et Evelyne Bouix, qui font également partie du casting, sont tous deux acteurs, et Madame Fig les a présentés : « Pierre Arditi et Evelyne Bouix, acteurs ». Pourquoi, alors, ne pas avoir écrit « Catherine Millet et Jacques Henric, écrivains » ? Dans ces cas-là, on commence par se précipiter sur Robert (pas le Robert de Luchini, celui du dictionnaire). « Ecrivain » ? « Personne qui compose des ouvrages littéraires ». « Romancier » ? « Ecrivain qui compose des romans ». A cette aune-là, Catherine Millet est écrivain, c’est sûr. Mais Jacques Henric tout autant qu’elle : voilà plusieurs années qu’il n’a pas publié de roman, ses derniers ouvrages, tous littéraires, s’inspirant de sa vie personnelle, ou ayant trait à la critique. Mais, dans l’acception générale et populaire, « écrivain », ça vous pose mieux que « romancier ». Si la formulation avait été inverse (Catherine Millet présentée comme romancière, et Henric comme écrivain), on aurait pu crier au sexisme. Mais là, je ne vois toujours pas… A moins que… un doute m’étreint… et si Catherine Millet, parce qu’elle a pulvérisé le box office avec sa Vie sexuelle , avait droit au qualificatif d’écrivain, tandis que Jacques Henric, dont les tirages ont toujours été plus confidentiels, n’était qu’un simple « romancier »… ? Non, c’est impossible…
15.10 2013

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