4 septembre > Histoire France

Le corps, c’est la grande affaire de Georges Vigarello. Historien renommé, directeur d’études à l’EHESS, il a exploré son sujet à travers le sport (Du jeu ancien au show sportif, 2002), l’hygiène (Le propre et le sale, 1985), l’obésité (Les métamorphoses du gras, 2010) et il a dirigé avec Alain Corbin et Jean-Jacques Courtine une vaste Histoire du corps (2005-2006), autant d’ouvrages publiés au Seuil.

Le corps est encore au cœur de cette exploration fascinante. Car c’est en effet de la prise de conscience d’un nouveau corps que surgit Le sentiment de soi dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Avant, on ne s’en occupait pas. Il vivait, mais ne se vivait pas. Corps souffrant, malheureux ou fatigué, on lui demandait plus que de raison. Bref on négligeait le "dedans".

Les Encyclopédistes modifient cette perception. On commence alors à observer le désordre de son corps. Mais que suggèrent ces indices ? On se cherche dans son corps, avec son corps, par le plaisir ou l’effort. Le sentiment d’existence apparaît et Diderot parle pour la première fois du "soi". Avec virtuosité, Georges Vigarello passe en revue ceux qui ont aidé à la perception physique de soi : médecins, physiologistes, philosophes et charlatans comme Mesmer et son magnétisme animal.

Le XIXe siècle poursuit cette investigation au travers de la littérature intimiste, le "je sens donc je suis" illustré par un Stendhal ou un Benjamin Constant. On découvre que l’on est, puis on cherche à comprendre comment cela fonctionne. On s’attache à l’infime, à l’intime. Il se construit ainsi un "statut de l’intériorité" avec l’invention du corps propre dans un esprit net et de la cénesthésie, c’est-à-dire le sentiment diffus que nous avons de notre existence, indépendamment des sens.

Ce corps va ensuite être soumis à des explorations extrêmes - drogues et ivresses - jusqu’à vouloir être mis en sommeil par l’anesthésie. La grande vogue de l’hystérie - je ne suis plus moi-même - installe le triomphe du psychologique. Le corps "sait" désormais ce que l’esprit veut ignorer. Il dit à l’extérieur ce qui se passe à l’intérieur. L. L.

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