De lui, Alberto Savinio put écrire qu'il était comme « le chef mécanicien d'un transatlantique, l'homme toujours invisible dans la salle des machines, mais qui donne son allure au paquebot ». Son biographe aujourd'hui, Jean-Luc Barré, y voit, lui, « un homme pressé, un voyageur solitaire, avide de sensations et de connaissances, armé d'une force de vie étourdissante ». On l'appelait « le seigneur chat », titre de cette éblouissante biographie, car il avait, de l'un et de l'autre, la prestance, la discrétion un rien distante, l'appréhension de sa juste place.
Philippe Berthelot (1866-1934) ne goûtait rien tant que la force que lui donnait son anonymat, ce qui fit de lui sans aucun doute le plus grand diplomate qu'ait connu la Troisième République, le plus avisé aussi. Il ne se laissait attraper par rien, par aucun des travers d'une époque qu'il contribua plutôt à dessiner. Et s'il mena grand train, ce fut d'abord et toujours au nom de son bon plaisir. Il fut le premier à prendre en compte, en terme géopolitique comme civilisationnel, l'importance la Chine et à considérer que le rayonnement d'un pays tel que le nôtre tenait moins peut-être à sa place dans le monde qu'à celle qu'y prenaient les artistes et singulièrement, les écrivains. Il fut l'ami intime de Paul Claudel, écrivain diplomate il est vrai, mais aussi de Jean Giraudoux, comme il connut Cocteau, Morand et tant d'autres. Bien après sa mort, le « Chinois » Lucien Bodard dressera de lui, dans Anne Marie, un inoubliable portrait. Cet homme aux mille histoires ne voulut pourtant jamais vraiment écrire la sienne. Qu'importe, providence des trop discrets, Jean-Luc Barré s'en charge brillamment.
Jean-Luc Barré
Le seigneur chat. Philippe Berthelot : 1866-1934
Plon
Tirage: 2 500 EX.
Prix: 25 €
ISBN: 9782259310444