De lui, on ne s'attendait pas à cela. Mais après tout, c'est aussi tout ce qui fait le prix de l'œuvre de Jean-Marc Parisis : ne jamais très bien savoir ce qu'il nous réserve. Sa palette est large, de récits en romans, mais ne dévie pas de ce qui la fonde toujours, se tenir résolument du côté de la littérature. Des souvenirs d'enfance à ceux d'Alain Delon, des amours disparus à ce que nous dit la mort de Jean-Marc Roberts, des échos de la guerre à ceux d'autres conflits plus intimes, c'est l'écriture qui fait tenir avec bravade ce fier édifice.
C'est d'ailleurs toujours elle qui donne tort à ceux qui ne considéreraient son nouveau roman, On va bouger ce putain de pays, que comme un livre de circonstances. Le titre peut choquer par sa vulgarité pleinement assumée, mais c'est aussi parce que la vulgarité, ses tours et détours, est un motif caché dans ce tapis romanesque, en plus d'être une phrase répétée comme un mantra par l'équipe de jeunes gens ambitieux réunie autour d'Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle de 2017.
Ce serait donc l'histoire d'un certain Quentin Ixe (signant par-là onomastiquement son anonymat), jeune homme de province plutôt brillant, venu à Paris pour accéder aux marches du pouvoir. Déçu d'abord par la chute de son premier poulain victime de ses appétits sexuels, il rencontre un certain Cyril Cramon, guère plus âgé que lui, énarque et banquier d'affaires ambitieux qui paraît comme investi d'une mission, se faire élire président de la République pour régénérer, à grands coups de « start-up nation » et autres, notre vieux pays ankylosé. Cette mission sera couronnée de succès et Quentin nommé conseiller spécial à l'Élysée. Cinq années suivront, cinq années de passions tristes et de désenchantement, cinq années à se souvenir de la phrase de Lacan, « le réel, c'est quand on se cogne ».
Ce pourrait donc n'être qu'une pochade politique de plus en une période qui promet d'en être riche. Et pourtant, On va bouger ce putain de pays est bien plus que cela. Parisis y déploie toute sa verve, mais aussi une certaine et plaisante forme de tendresse navrée autour de ses personnages. Il extrait de cette matière ce qui l'universalise, et d'abord, on l'a dit, littérairement. Le lecteur peut parfois penser à une sorte de comédie à l'italienne, volontairement excessive peut-être, mais dont ressortent les figures du grotesque. Ces jeunes héros sont déjà vieux avant que l'exercice du pouvoir ne les amène à l'être. Il y a là-dedans beaucoup de ridicule bien sûr et également, finalement, peut-être un peu de notre humanité commune.
On va bouger ce putain de pays
Fayard
Tirage: 4 500 ex.
Prix: 19 € ; 180 p.
ISBN: 9782213705361