Avant-critique Roman

Jean-Pierre Montal, "La face nord" (Séguier)

Jean-Pierre Montal - Photo © François Grivelet

Jean-Pierre Montal, "La face nord" (Séguier)

Dans ce subtil roman placé sous le signe du film Elle et lui de Leo McCarey, Jean-Pierre Montal ausculte le flou des lieux et des sentiments.

Parution 29 août

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Par Olivier Mony
Créé le 28.08.2024 à 09h00

À Vienne que pourra. Il y a des romanciers qui sont avant tout d'atmosphère. Pas les pires, Simenon, Modiano... Jean-Pierre Montal, tout d'élégance et de discrétion revêtu, est de cette race-là, celle des grands regretteurs d'hier, des mélancoliques intempestifs. Avec ce cinquième roman, La face nord, peut-être le plus douloureusement secret, il en amène une preuve éclatante.

De quoi s'agit-il ? D'abord du plus beau film du monde parmi les plus beaux films du monde. Elle et lui de Leo McCarey. Dans ses deux versions, la première en noir et blanc avec Charles Boyer, la seconde en couleurs avec Cary Grant. Une histoire d'amour frôlé, raté, bien sûr, que Pierre Varlin, le narrateur, 48 ans, qui marche un peu à côté de sa vie, passager clandestin des solitudes urbaines, a vu des dizaines de fois. Lors de l'une de ces séances, il fait la connaissance de Florence, communiant à la même religion cinéphile. Une affaire se noue peu à peu entre eux, traversant les rues, les cafés, les cinémas de Paris rive gauche. Elle s'évanouira aussi discrètement qu'elle a commencé. Une question d'âge peut-être, Florence a 73 ans... Pierre ne l'oubliera pas et son obsession sera ravivée lorsqu'il découvre le livre que son amante disparue a publié. Le récit d'un séjour à Vienne en 1974, lors duquel, encore étudiante, elle eut, quelques jours durant, une liaison amoureuse passionnée avec un écrivain, Egon Dartmann, qui est pour elle comme la mémoire vive de la capitale viennoise, de ses ombres, de ses exilés. Pierre va comprendre alors pourquoi, un demi-siècle plus tard, malgré la promesse des amoureux d'Elle et lui, Florence ne pouvait que disparaître...

La face nord est un court roman, presque une novella, où la déliquescence des choses et l'incertitude du réel se nourrissent d'un art consommé du croquis à la pointe sèche, d'une forme infiniment aboutie de délicatesse douce-amère. Jamais sans doute Montal n'avait autant été au cœur de sa vérité, de ses obsessions (l'architecture, le retour sur les souvenirs, le passé qui ne passe pas). Ses correspondances entre les personnages, entre les âges, entre les lieux, souvent fantômes, se font toujours plus subtiles. Il y a l'Angleterre, les grandes villes dans le soir, Paris, et surtout Vienne, terminus occidental de toutes les histoires. Et après ? À Vienne que pourra.

Jean-Pierre Montal
La face nord
Séguier
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 19 € ; 160 p.
ISBN: 9782840499930

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