Cassius plaît. L'historien Dion Cassius incarne l'exemple même de l'aristocratie provinciale intégrée aux élites romaines, à leur plus haut niveau. Il fut à deux reprises consul, la première fois entre 205 et 211, sous l'empereur Septime Sévère dont il était l'un des conseillers, la seconde en 229, avec pour co-consul l'empereur Sévère Alexandre en personne. C'est d'ailleurs après cet apogée personnel, à un moment de calme relatif dans un monde chaotique, que l'écrivain met fin à sa monumentale Histoire romaine.
Dion Cassius est né à Nicée, capitale de la Bithynie, province d'Asie Mineure, dans l'actuelle Turquie. On ignore la date exacte, 155 ou 165. Son père, Cassius Apronianus, était un chevalier devenu sénateur, qui avait exercé les plus hautes fonctions : gouverneur, consul, proconsul. Le fils va suivre le même cursus honorum, sénateur sous l'empereur Commode (qui régna de 180 à 192), conseiller de Septime Sévère, on l'a vu, consul puis gouverneur en Afrique, en Dalmatie, en Pannonie (Croatie et Hongrie actuelles), puis consul à nouveau. Ses soldats se plaignant apparemment de ses méthodes autoritaires, il se retire dans la région de Naples puis rentre finir sa vie chez lui, à Nicée. On ignore également la date de sa mort, forcément postérieure à 233, compte tenu d'une allusion à la situation en Asie Mineure dans le dernier livre de son Histoire romaine.
Citoyen romain de culture hellène, écrivant en grec, Dion Cassius va durant vingt ans rédiger cette Histoire romaine en quatre-vingts livres, en fait des chapitres, allant de 753 av. J.-C. (date légendaire de la fondation de Rome par Romulus) à 229. Les cinquante premiers couraient jusqu'à la bataille d'Actium en 31 av. J.-C., victoire définitive d'Octave (futur empereur Auguste) sur les troupes de Marc Antoine et Cléopâtre. Les trente suivants traitaient de l'Empire, depuis le principat d'Auguste jusqu'aux Sévères, des Orientaux comme lui (originaires de Syrie). Seuls les livres 37 à 60 nous sont parvenus intacts ; des autres, détruits lors du sac de Constantinople par les croisés, en 1204, il ne reste que des fragments ou des résumés.
Bien que Dion Cassius soit considéré par la plupart des spécialistes comme un historien mineur, son œuvre, inspirée du grand Thucydide, se révèle passionnante. C'est ce que montre l'universitaire danois Jesper Majbom Madsen, qui lui a consacré sa vie de chercheur. Passionnante, d'abord, parce qu'on y trouve une somme de renseignements sur les hommes, les faits, avec une large place accordée aux légendes et présages. Et puis, en raison de la position politique de Dion Cassius : à la République romaine, présentée comme une démocratie (censitaire, inégalitaire et très encadrée), il préfère la monarchie éclairée, en théorie plus stable et plus forte. Sauf qu'à son époque, c'étaient les prétoriens qui tiraient les ficelles, élisaient des empereurs incapables qu'ils assassinaient quelque temps après, à quelques exceptions près, comme Septime Sévère, qui régna de 193 à 211 et fut un grand empereur. Mais bien loin du supposé âge d'or d'Auguste, qui faisait encore rêver deux siècles plus tard, y compris les historiens.
Dion Cassius : un historien méconnu
Belles lettres
Tirage: NC
Prix: 22,50 € ; 212 p.
ISBN: 9782251455204