23 AOÛT - ROMAN France

Jean-Michel Guenassia- Photo DR/ALBIN MICHEL

Après un roman policier remarqué en 1986, Pour cent millions (Liana Levi), Jean-Michel Guenassia avait longtemps laissé reposer sa plume. A la rentrée 2009, il était enfin réapparu, cette fois chez Albin Michel, avec un fort roman particulièrement réussi. Porté par un souffle évident, Le club des incorrigibles optimistes (repris au Livre de poche) lui valut alors d'entrer dans la liste des meilleures ventes et d'obtenir le prix Goncourt des Lycéens.

Fort heureusement, cet ancien avocat n'a pas attendu aussi longtemps que la première fois pour se remettre à l'ouvrage. Bonne nouvelle, La vie d'Ernesto G. est tout aussi emballant, sinon plus, que Le club des incorrigibles optimistes. Joseph Kaplan avait 8 ans quand s'est arrêtée la Première Guerre mondiale. A Prague, où il a vu le jour, sa mère Teresa lui parlait indistinctement en français et en allemand, dansait avec lui dans le salon presque tous les soirs, avant d'être emportée par une pneumonie.

Le héros de Guenassia est donc élevé par son père, Edouard, médecin qui pouvait aller jusqu'à Vienne soigner les patients frappés par une épidémie de grippe. Juif pas très croyant, Joseph va être à son tour un étudiant en médecine impliqué et ouvert, bien que menant une vie dissolue. Bouleversé par la voix "aérienne et fraternelle" de Carlos Gardel, il aime avant tout danser et séduire les femmes, sans jamais s'attacher. Externe à Paris dans le service de pathologie infectieuse de l'hôpital Bichat, il rencontre Ernest, qui a été le chauffeur de Gardel lors de ses séjours à Paris.

Mais aussi une Vivianne aux si beaux cheveux, qui sent le mimosa ou le jasmin, "une odeur de Méditerranée, d'un pays de soleil" : le genre de fille qu'on n'oublie pas. Sauf si on est comme Joseph. Lequel file ensuite à Alger la blanche, la mystérieuse, la citadine, la cancanière, la cul-bénit, la puante. Où il se lie d'amitié avec le virevoltant et entreprenant Maurice Delaunay, qui lui soutient que "dans la vie, il n'y a que deux sortes d'hommes : les locomotives et les wagons", et lui présente deux comédiennes. Sa compagne Christine, qui a fait une apparition dans Pépé le Moko et se bat pour les idées pacifistes, et Nelly, qui rit pour un rien, connaît tous les secrets de la ville et donne bien vite à Joseph des baisers d'amour...

On l'aura compris, il s'agit là d'un vrai roman romanesque, parfaitement mené et balancé, qu'on ne peut lâcher. L'écriture de Guenassia est toujours aussi fluide, aussi cristalline. L'écrivain aime ses personnages, les creuse, arrivant à chaque fois à leur donner de la profondeur. Il faut se dépêcher de suivre le destin mouvementé de Joseph, l'accompagner à Marseille, à Chamonix ou à Prague, ballotté par les mouvements de l'Histoire.

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