Drôle d'album pour un drôle de chien ! À la manière d'un photoroman des années 1950, Julien Baer nous parle de son chien Piloti. Sur la page de gauche une photographie, où le jeune lecteur peut exercer son sens de l'observation, le montre sous toutes les coutures et dans tous les décors. Et sur la page de droite un court texte interroge la relation du maître avec son fidèle ami. Il faut dire que Piloti est à croquer et qu'il ne ressemble à aucun autre avec son œil bleu et son œil brun, façon David Bowie. Quand il apparaît sur fond de feuillages sombres, on le voit à peine, il est plus camouflé qu'un char militaire, son pelage hirsute se confond avec la masse de la haie. Quand il se balade au bord de mer, là où l'eau est ourlée d'écume, on jurerait qu'il a légèrement la trouille d'aller plus avant, tant sa façon de poser une patte dans l'inconnu liquide est peu sûre. Sur les tommettes en terre cuite rouge, il a l'air tout penaud et pensif. Sur son tapis aux motifs de couleur, cette fois, c'est certain, il a des sentiments au même titre que moi. Au fond, qui est vraiment Piloti ?, nous demande cet album qui assène mine de rien une leçon de philosophie tout en douceur. Piloti ressent-il tendresse et empathie pour moi, autant que j'en ressens pour lui ? « Il n'est pas de ma famille, ce n'est pas mon cousin », conclut pourtant Julien Baer en faux candide. « Soyons raisonnable, Piloti est un chien, pas un être humain. » Avant de reculer et de trancher tout en coupant la poire en deux : « Piloti est un être teckel et moi, un humain nain. » À méditer...