On apprend que l'acteur américain Bruce Willis souhaite léguer sa bibliothèque musicale virtuelle à ses enfants, une bibliothèque constituée au fil de temps de milliers de fichiers, grâce à ses achats sur iTunes. Et si cette bibliothèque avait été constituée de livres numériques ? Que nous rappelle cette information parue dans le Sun  ? L'achat de fichiers ne signifie pas possession ; l'achat d'un fichier est une licence destinée à l'utilisateur final pour un usage strictement personnel. Il ne serait donc pas possible de léguer ces achats comme on peut le faire avec sa bibliothèque physique. Comme le note l'avocat Mathieu Davy dans Le Plus-Le Nouvel Observateur (7 septembre 2012) «  (...) a minima en droit français de la consommation, cela pose problème : c'est un paradoxe d'avoir d'un côté un "achat" (car on "achète" bien sur iTunes) et de l'autre, uniquement un droit personnel d'utilisation qui "s'éteint" avec sa propre mort.  » Les conditions de « vente » d'Amazon sont analogues. Vendre ses disques et ses livres d'occasion quand ils sont dématérialisés, cela n'est guère possible. Aux Etats-Unis, Apple poursuit en justice un site de revente d'occasion de données numériques. De même, Capitol Records, filiale d'EMI, a porté plainte contre le site ReDigi, qui permet aux internautes de revendre leurs fichiers MP3 [1] . La musique dématérialisée, le livre numérique ne sont donc que des services, objets de stratégies attentives de verrouillage ? Certes, il est possible de nous renvoyer aux conditions de vente que nous avons acceptées. Après tout, chaque consommateur est supposé responsable et informé : « La présente licence qui vous est concédée par le Concédant pour l'Application sous Licence est limitée à une licence non transférable aux fins d'utiliser l'Application sous Licence sur tout produit de marque Apple tournant sur iOS [...]. La présente licence ne vous autorise pas à utiliser l'Application sous Licence sur un quelconque Equipement Apple dont vous n'êtes pas propriétaire ou que vous ne contrôlez pas » (Cf. Contrat de licence utilisateur final relatif a l'application sous licence , alinéa a). Mais qui donc a lu ces conditions ? Un droit d'écoute n'est pas un bien matériel : ce fait là a-t-il un sens pour tout un chacun, si ce n'est celui de protéger un modèle économique ? Ne sommes-nous pas sommés de nous adresser au « magasin » le plus simple d'accès ? Non seulement le verrouillage de l'acheteur est assuré, mais en plus la reconstitution payante de nos bibliothèques est donc programmée. La femme de Bruce Willis, Heming Willis, a démenti sur Twitter les informations du Sun  relayées par le journal Les Echos selon lesquelles son mari comptait attaquer Apple parce qu'il ne pouvait léguer à ses filles sa musique téléchargée sur iTunes. L'affaire serait donc enterrée ? La question de la nature des « biens » ou « services » achetés sur iTunes demeure en tous cas posée. Et la question de la nature de l'acte d'achat lui-même est encore difficile à appréhender. Dans les cas mentionnés, les procédures de protection contre le piratage se mêlent étroitement aux procédures de verrouillage des consommateurs. Pour le consommateur de biens dématérialisés, il convient sans doute de se départir de l'idée qu'un achat dans le monde numérique n'est que la transposition de son acte d'achat dans le monde physique.  ____________ 1 Torie Bosch, "Court Refuses Music Company Request To Shutter Site Selling "Used MP3s"-for Now", Slate , 7 février 2012.
15.10 2013

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