Reportage

À la Bibliothèque nationale de Malte, entre incunables et cartes de chevaliers

La bibliothèque nationale de Malte, au cœur de La Valette - Photo PG LH

À la Bibliothèque nationale de Malte, entre incunables et cartes de chevaliers

Au cœur de La Valette, la capitale de la très fréquentée île de Malte, se cache un havre de paix permettant un retour dans l’histoire des chevaliers de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem : la Bibljoteka, mémoire nationale de l’île. Visite guidée, entre incunables et cartes de chevaliers.  

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Par Pierre Georges , à La Valette ,
Créé le 05.11.2024 à 11h00

Avant de rimer avec vols low-cost et achat de passeports européens, l’île de Malte rima longtemps avec ordres de chevaliers. Le dernier bâtiment public que ces derniers ont construit à La Valette, la petite capitale maltaise, est une bibliothèque, devenue de nos jours la mémoire de leurs siècles d’occupation de l'île. En plein centre des rues ocrées, entre terrasses bondées et océans de touristes, il suffit d’oser en pousser les intimidantes portes pour se retrouver en pleine contradiction. À l’extérieur, tout n’est que brouhaha, soleil éclatant et instagrameuses britanniques. À l’intérieur, règne au contraire un calme stupéfiant, une obscurité obligée et une odeur de papier jauni.

La minuscule bibliothèque nationale propose un voyage dans le temps immédiat. Elle fut imaginée dès le 16ᵉ siècle par Claude de La Sengle, grand maître de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, dans le but de réunir le trésor commun de tous les livres ayant appartenu aux défunts chevaliers. Si les travaux ont démarré en 1776 sur des plans de l’architecte Stefano Ittar, la bibliothèque ne fut achevée qu’en 1796, deux années avant que l’ordre de Malte soit expulsé de l’île par Napoléon. Ce ne sera qu’en 1812, alors que l’île était passée sous domination britannique, qu’elle fut finalement inaugurée et commença à accueillir les antiquités des chevaliers maltais. Et depuis la création, en 1976, de la nouvelle bibliothèque publique de Floriana, la bibliothèque de La Valette, appelée par les maltais la Bibljoteka, se dédie uniquement aux expositions et à la recherche. 

Incunables et « glorieuses conquêtes » 

Dans une seule pièce ornée d’armoiries et sous de simples vitrines se retrouvent aujourd’hui des fonds d’une immense valeur historique. Plusieurs dizaines d’incunables sont ainsi exposés, dont plusieurs rarissimes concernent l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem : Privilegia ordinis Sancti Joannis Hierosolymitani a Summis Pont. concessa (Cologne, 1495), l’Obsidionis Rhodiae urbis descriptio de Caoursin (Venise, 1480), ou encore une Cosmographie de Ptolémée (Rome, 1490). Outre ces documents, dont certains datent des premières croisades, sont aussi exposés manuscrits enluminés, gravures, hagiographies… Au total, 402 000 volumes y sont conservés, dont les archives de l’ordre de Saint-Jean : actes fondateurs, charte de Baudouin 1ᵉʳ de Jérusalem accordant des possessions en Galilée aux chevaliers en 1107, ou encore la charte de Charles Quint donnant l’île de Malte à l’ordre en 1530. 

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Dans la bibliothèque nationale maltaise, imaginée et construite par les chevaliers de l'ordre de Malte- Photo DR MNL

Actuellement, la bibliothèque, dont la visite est gratuite, expose une collection remarquable de cartes anciennes, dont beaucoup remontent aux 15ᵉ et 16ᵉ siècles et sont signées par des Français. Sont ainsi visibles une Carte du gouvernement de Roses (Sébastien de Beaulieu, 1645) tiré de l’ouvrage Les glorieuses conquêtes de Louis-le-Grand, une Rhodium Historia (Guillaume Caoursin, 1496), ou encore un Plan figuré des cinq premières divisions de la nouvelle topographie du royaume de France (Robert de Hesseln 1780).

« L’exposition inclut plusieurs trésors de la collection nationale maltaise, dont certains sont montrés pour la première fois, comme des atlas de Lafreri, une carte du monde unique d’Antonio Saliba, la carte des cavaliers de la bataille de Lepanto, l’Arcano Del Mare de Robert Dudley, une rare édition de l’Atlas Maior de Johannes Blaeu ou encore des albums de 1565 de Perez d’Aleccio et de Lucini », raconte Joseph Schirò, président de la Malta Map Society. En français, anglais, italien ou arabe, toutes ces cartes racontent l’histoire mouvementée du confetti méditerranéen stratégique qu’est Malte.

Pour en savoir plus, ne pas hésiter lors de la visite à s’adresser au (discret) bibliothécaire. Avec un peu de chance, ce dernier conduira le visiteur vers la conservatrice, cloitrée dans un minuscule bureau attenant aux collections, au milieu de montagnes de manuscrits et avec, bien sûr, les volets fermés hermétiquement sur l'extérieur. Comme pour protéger un peu plus les archives des chevaliers du monde moderne. 

 

Bibliothèque nationale de Malte (Bibljoteka Nazzjonali ta’ Malta), 36, Old Treasury Street (sous les arcades), La Valette. 

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