Dans les ombres sylvestres (Quidam éditeur, 2009), le deuxième roman de Jérôme Lafargue, que l'on a découvert avec L'ami Butler (Quidam éditeur, 2007, prix Initiales), mettait déjà en scène un solitaire sans attaches. C'est également aujourd'hui le cas de Félix Arramon, le narrateur de L'année de l'hippocampe. Atteint d'une lassitude mentale et physique qui l'a poussé à laisser tomber toute activité, le héros de Lafargue s'est donné un an pour décider. Un an à écouter "un disque, un seul, chaque jour".
Au volant de sa vieille 2 CV, il est venu prendre possession de la bicoque de sa défunte grand-mère dans un petit village au bord de l'océan. Notre homme a emporté avec lui le strict nécessaire. Une chaîne hi-fi, des enceintes, un ordinateur, un iPod et une planche de surf. Il n'est pas complètement isolé du monde, n'a rien contre les sorties et les rencontres.
Le café local, où "trois grossières tables en bois se tiennent à bonne distance d'un comptoir en rondins", a pour nom L'Auberge Bredouille. Sa plus proche voisine est une jolie traductrice, Laure, dont le fils Aloïs chasse les arcs-en-ciel. Félix converse également de temps à autre avec son ami Tim, qui n'a pas mis le nez dehors depuis deux ans et qui lui explique que l'hippocampe est l'être vivant le plus lent du monde.
Les jours passent tandis que Félix, trentenaire né un 1er mai, songe à s'offrir un ukulélé. Qu'il tombe amoureux de Cigale, la jeune soeur de Laure. Qu'il lit Forton, Gadenne, Guérin, Augérias ou Hardellet. Qu'il écoute Pale Fontains, Band of Horses, Ride, Grateful Dead, Arvö Part ou Beethoven. Le lecteur apprend peu à peu qu'il a pas mal bourlingué, qu'il a été le témoin d'atrocités. Avant de prendre le large, Félix a été un "trompe-la-mort", il a dû quitter un "pays maudit" qui l'a "achevé"...
Toujours aussi singulier et intéressant, Jérôme Lafargue emporte à nouveau l'adhésion avec le portrait senti d'un homme à la recherche d'un second souffle.