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La loi revient sur le tapis

La loi revient sur le tapis

La loi sur les bibliothèques, demandée par une grande partie de la profession depuis plusieurs décennies, pourrait bien refaire surface à la faveur du changement de gouvernement.

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avec Créé le 15.04.2015 à 21h00 ,
Mis à jour le 23.04.2015 à 10h06

"Je suis pour une loi ambitieuse sur l'accès à la connaissance, accompagnée d'une programmation financière tenant compte des enjeux du numérique." LAURENT ROTURIER, DGS DE LA VILLE DE BRON - Photo OLIVIER DION

Dans leurs programmes et leurs réponses aux questions d'ordre culturel, les candidats à la présidentielle ont été peu diserts sur la lecture publique (1). Et si le nouveau président François Hollande a montré son attachement à la culture en allant rendre hommage le 10 mai à François Mitterrand à la BNF, rien n'a été annoncé de très précis en faveur des bibliothèques. Même si les professionnels reconnaissent que les aides financières, dans le cadre de la dotation générale de décentralisation (DGD), pour la rénovation et la construction des établissements restent importantes et stimulantes (on n'a jamais autant construit que ces trente dernières années, et le mouvement continue), la bibliothèque semble aujourd'hui une affaire plus locale que nationale. "Dans la mesure où les bibliothèques sont un service public, l'Etat ne joue pas suffisamment son rôle dans le maillage du territoire qui reste inégal", estime la sénatrice du Val-d'Oise et maire d'Eragny, Dominique Gillot. "Ce serait aussi son rôle, suggère-t-elle, de mettre en évidence des expériences réussies, de faire une évaluation qui permettrait de sensibiliser les élus à la lecture publique." De son côté, Laurent Roturier, directeur général des services (DGS) à Bron, apprécie l'aide de l'Etat à l'investissement local, notamment pour le grand projet de médiathèque de la ville, mais il estime qu'il existe un déséquilibre notable entre Paris, plus favorisé, et les territoires. Quant à la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC), elle juge que "la présence de l'Etat est indispensable à la fois pour son expertise, son impulsion, et pour placer les politiques de proximité des collectivités sous le regard de l'exigence nationale", tout en soulignant que l'Etat n'a pas à imposer ses choix et que "le copilotage doit se développer dans le respect de l'équité territoriale" (2).

MANIFESTE

"Le bâtiment ne suffit pas, le verbe lire supporte mal l'impératif..." JEAN-MICHEL PARIS, DGS DES BOUCHES-DU-RHÔNE- Photo DR

A l'occasion de l'élection présidentielle et des législatives, l'ABF a publié un manifeste, "La bibliothèque est une affaire publique", qu'elle a largement diffusé auprès des politiques et des élus. Cette déclaration rappelle le rôle majeur de la lecture publique dans la société et démontre qu'elle représente un outil de politique publique aussi bien pour les collectivités territoriales que pour l'Etat. D'une certaine manière, voilà un texte qui dépoussière le manifeste de l'Unesco et surtout la charte du Conseil supérieur des bibliothèques, qui a plus de vingt ans et apparaît aujourd'hui obsolète sur plusieurs points. Rédigée avant l'usage d'Internet, elle ne parle pas, par exemple, de l'élaboration d'une offre numérique sur le plan national ni de l'accès libre à l'information, ce que déplorent beaucoup d'élus locaux et de professionnels qui manquent de synthèse et de conseils à ce sujet.

Une loi permettrait-elle de résoudre ces différentes questions ? Il y a des sceptiques. Jean-Michel Paris, DGS des Bouches-du-Rhône, estime ainsi qu'il faut disposer de règles normatives strictes mais que les bibliothèques sont plutôt une affaire de conviction et de volonté politique. "Le bâtiment ne suffit pas, le verbe lire supporte mal l'impératif..." Jacques Marsaud, DGS à Plaine Commune (93), est d'un avis différent : "Une loi sur le sens des bibliothèques, qui affirmerait leur rôle émancipateur, donnerait des garanties de pluralisme et de professionnalisme, accompagnée de moyens (pourquoi pas liés aux projets innovants), serait un acte fort au sens où cela combattrait l'idée que les médiathèques ne servent plus à rien à l'ère des ressources d'Internet." Quant à Laurent Roturier, à Bron, il se montre hostile à une loi défensive et corporatiste, mais prend position pour "une loi ambitieuse sur l'accès à la connaissance, accompagnée d'une programmation financière tenant compte des enjeux du numérique, car cela donnerait confiance aux élus locaux et ce serait l'occasion d'un débat avec la population". Il va même jusqu'à évoquer l'élaboration d'une directive européenne. Affaire à suivre...

(1) Voir "Que feraient-ils pour le livre ?", LH 905, du 13.4.2012, p. 12, ainsi que les réponses données à la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (http://www.fncc.fr/).

(2) Contribution de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC), Cahiers d'acteurs, mars 2012.

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