Pour la dernière fois - puisque l’écrivain est décédé l’an dernier -, le commissaire Habib, le plus fin limier de Bamako et héros récurrent de Moussa Konaté, reprend du service.
Nous sommes en novembre 2010 et, en compagnie de son adjoint Sosso ("Moustique"), il est appelé en renfort par ses collègues de Tombouctou. Ibrahim, un jeune Touareg du clan Aghaly, vient d’être retrouvé mort. Assassiné ? Depuis Mopti, Habib et Sosso, à qui on a imposé la présence de Guillaume Deloncle, une barbouze française de haut niveau, en raison de possibles risques terroristes, remontent le Niger jusqu’à l’antique cité, "la ville aux 333 saints". Ce qui nous vaut une petite balade touristique.
Enfin à pied d’œuvre, nos amis, qui s’entendent fort bien entre eux, vont se retrouver au milieu d’un de ces imbroglios dont l’Afrique a le secret : les Aghaly sont persuadés que le meurtrier d’Ibrahim n’est autre qu’Alhadi, un jeune du clan Youssef et son cousin. Mais Alhadi est un musulman fanatique et pourrait bien être coupable d’un autre forfait : Gérard Lebrun, un Français assez louche dont on ne sait pas bien ce qu’il fabrique à Tombouctou, a été agressé par un mystérieux "cavalier noir" qui a proféré des menaces antifrançaises. De là à subodorer un complot terroriste, il n’y a qu’un pas. D’autant qu’Ibrahim fréquentait Lebrun.
Pour enquêter, Habib doit composer avec la société traditionnelle de son pays : les clans touaregs tout-puissants et antagonistes, qui rendent leur propre justice et ne reconnaissent d’autre autorité que celle d’Allah ; les imams, qui tentent de tout contrôler ; les officiels locaux, maire ou gouverneur, qui voudraient bien étouffer l’affaire. Tout le monde veut lui mettre des bâtons dans les roues. Mais le commissaire est un bon flic, intègre et consciencieux, qui ne lâche rien. Ainsi, au fil de ses conversations et interrogatoires, une piste commence à se dessiner. Et si Ibrahim, un garçon amateur d’alcool, de drogue et qui, quoique marié, avait mis enceinte sa copine Khaïra, avait été puni par son propre clan, et pas forcément par l’un de ses hommes ?
Même si l’intrigue est ténue, que l’on palabre beaucoup, l’intérêt principal de ce roman est de faire pénétrer le lecteur occidental au cœur du Mali, véritable poudrière mais aussi pays de profonde culture et de traditions, loin des préjugés et de la paranoïa sécuritaire actuelle. J.-C. P.