Egyptologue, spécialiste de l’analyse des mythes que véhicule, depuis l’Antiquité, l’Egypte, Florence Quentin a réuni pour ce "Bouquins", qui n’est pas un livre de voyage mais une collection d’études historiques, une équipe aussi importante (une cinquantaine de contributeurs) que variée : une majorité d’universitaires, certes, y compris farfelus comme Claude Aziza, spécialiste entre autres du péplum et de la BD, mais aussi des journalistes, comme Olivier Cachin, maître en rap. Avec, du côté égyptien : l’écrivain Gamal Ghitany, qui célèbre le génie de son pays, jusqu’à travers les convulsions politiques actuelles qui le secouent, et l’égyptologue Fayza Haikal, qui étudie la transmission de la culture égyptienne depuis les pharaons.
L’ouvrage est organisé en huit parties selon un déroulé chronologique, de l’Antiquité à nos jours, qui tentent de cerner une matière aussi vaste que foisonnante. On en retiendra, par exemple, le travail de Jean-Claude Grenier sur "l’égyptomanie" des empereurs romains, avec de belles pages sur Hadrien et Antinoüs, qui remettent la légende à sa place. Ou bien l’étude de Sarga Moussa sur Loti en Egypte, où il salue La mort de Philae dans sa dimension polémique et prophétique : dès le XIXe siècle, le sublime temple était menacé par la construction d’un barrage, ce que dénonce l’écrivain. Ou bien encore l’article d’Olivier Cachin sur l’Egypte en tant que référence africaine et source d’inspiration pour les rappeurs des deux côtés de l’Atlantique, en particulier les Marseillais d’IAM. Et même la divine Kate Bush, "amoureuse de l’Egypte", qu’il qualifie d’"excentrique" !
L’entreprise est originale, le volume copieux, dense et varié, où l’on peut se promener comme sur les bords du Nil, source de toute vie et de l’Egypte même, l’antique Kemet, la terre noire et limoneuse que les Egyptiens d’aujourd’hui appellent "Misr Oum el Dounia", Mère du monde. J.-C. P.