Ecrivain passionné d'histoire et de grands personnages, Michel Bernard a déjà consacré des romans à Ravel, Monet, et Jeanne d'Arc. Dans Le bon cœur (La Table Ronde, 2018), il retraçait les dernières années de la courte vie de la Pucelle (v.1412 - 1431), jusqu'à sa capture à Compiègne en 1430 puis son exécution à Rouen en 1431, à l'issue d'un terrible procès à charge, entièrement ourdi par les Anglais avec l'active collaboration des Bourguignons et de Monseigneur Cauchon, évêque de Beauvais. Le roi de France, Charles VII, qui, sacré à Reims, devait son trône à Jeanne, n'avait pas fait grand-chose pour la sauver.
Dans Le bon sens, nous nous retrouvons à Rouen, à la fin août 1449, été caniculaire, dans le bureau de Guillaume Manchon, curé de Saint-Nicolas-le-Peintre, notaire affecté aux archives archiépiscopales qui avait été le greffier scrupuleux du procès-verbal des délibérations et du jugement de Jeanne. En 1435, était revenu à Rouen Thomas de Courcelles, théologien à la Sorbonne, qui avait été le procureur au procès, afin de maquiller le feuillet du procès-verbal concernant la séance du 12 mai 1431, où il fut débattu si l'on soumettait l'accusée à la torture, ou non. Ce qui ne se fit pas. Choqué, Manchon, à qui Courcelles s'était confié en confession, avait pris soin de préserver l'original. Et quinze ans après, alors que, Jeanne bien oubliée, les troupes royales sont en train de reconquérir la Normandie (Rouen sera prise le 10 novembre 1449) et de « bouter (enfin) les Anglois hors de France », le notaire s'ouvre à Guillaume Bouillé, conseiller du roi, de son projet : faire réhabiliter la Pucelle. Il a rédigé un mémoire en ce sens, destiné au roi. Lequel, quoique ne voulant pas « rouvrir des blessures », ordonne, sous l'effet de sa mauvaise conscience, à Bouillé de rouvrir l'enquête. Il faudra encore sept ans pour que soit annulée la condamnation au bûcher, et la mémoire de Jeanne réhabilitée, après un procès en révision. Mais aux funérailles de Charles VII, à Saint-Denis, en 1461, c'est encore Thomas de Courcelles qui prononça le sermon. Le roi suivant, Louis XI, fera le ménage. Quant à Jeanne d'Arc, elle sera canonisée en 1920.
Michel Bernard pousse ici sa technique au maximum : texte compact, absence de dialogues, personnages désincarnés. On est plus près de la chronique, au sens médiéval, que du roman. Pour le prochain, il va lui falloir se trouver un autre héros.
Le bon sens
La Table ronde
Tirage: 8 000 EX.
Prix: 20 euros ; 208 p.
ISBN: 9782710390503