La généalogie est omniprésente dans la rentrée littéraire. Certaines racines remontent très loin dans le temps, d'autres forment des arbres décomposés ou recomposés. Souvent le père est absent (il y a d'ailleurs de nombreux héros orphelins à cette rentrée). Mais la figure du père est aussi l'une des branches sur laquelle reposent de nombreux romans cette année, y compris dans les premiers romans: il hante les souvenirs, obsède les esprits, influence les vies. Un père et c'est le manque...
Grand prix SGDL 2020, Marie-Hélène Lafon raconte l'Histoire du fils (Buchet Chastel), où un fils tente de comprendre la personnalité de son père séduisant mais égoïste, arrogant et absent. Une si longue absence aussi du côté de Saturne, de Sarah Chiche (Seuil) puisque le père, ici, vient de mourir et laisse sa fille avec un amour posthume. L'héritage est plus spirituel dans Une rose seule, le nouveau roman de Muriel Barbery (Actes sud): une botaniste française doit partir au Japon pour l'ouverture du testament de son père, qui a imaginé un itinéraire particulier. Le père est aussi un défunt dans La cuillère de Dany Héricourt (Liana Levi) puisque le jour de la mort de son père, sa fille retrouve un objet qui va la plonger dans une histoire de famille mystérieuse...
Retour aux racines également avec La société des belles personnes de Tobie Nathan (Stock) où un fils découvre puis poursuite la destinée de son père. Du côté d'Nadia Hathroubi-Safsaf (Frères de l'ombre, Zellige), toujours dans les méandres de la grande Histoire, le fils refuse la version officielle sur la disparition de son père et cherche à comprendre les faits qui l'ont séparé de lui. Chez Mauricio Electorat (Petits cimetières sous la lune, Métaillié), le fils revient dans son pays d'origine pour comprendre son père, apparemment suicidé, une figure répulsive et fascinante.
Les secrets de famille sont parfois bien gardés. Comme dans On fait parfois des vagues d'Arnaud Dudek (Anne Carrière), où un jeune garçon apprend que son père n'est pas son géniteur. Vingt ans plus tard, il part à la recherche du donneur de gamètes... Chez Adrien Borne (Mémoire de soie, JC Lattès), il y a aussi une énigme concernant les origines d'un jeune homme puisque sur son livret de famille, il découvre que le nom qui y est inscrit n'est pas celui de son père. Le livret de famille devrait changer aussi dans Mon père, ma mère, mes tremblements de terre de Julien Dufresne-Lamy (Belfond), puisque le fils voit son père changer de sexe...
Toujours à partir du point de vue des progénitures, Laure Gouraige s'adresse directement à son père dans La fille du père (P.O.L). A 30 ans, elle lui reproche son exigence et le lien ambivalent qui les unit afin d'exprimer son besoin de s'en affranchir, tentant, par cette évocation du passé, d'accéder à une liberté nouvelle. Dans Papa habite dans un carton (H&O), Amy Thomé suit Sophie à la recherche de son père, chômeur longue durée et deséespéré, parti brutalement du domicile familial. Le lien père-fils est aussi présent dans Beautiful Boy de Tom Barbash (Albin Michel), où le père veut relancer sa carrière à l'aide de son fils, qui s'interroge sur l'influence de la figure paternelle dans sa vie.
Il y a aussi la version du père. Dans Louis veut partir (Robert Laffont), David Fortems raconte l'histoire d'un père ouvrier qui vit seul avec son fils, retrouvé mort. Le paternel découvre alors que son fils était un parfait inconnu. Autre père monoparental chez Laurent Petitmangin dans Ce qu'il faut de nuit (La manufacture de livres), qui tisse une histoire familiale avec un père célibataire et ses deux fils en voie d'émancipation. Dans Apeirogon (Belfond), Colum McCann compose un dialogue entre deux pères, un Palestinien et un Israélien, qui au-delà de leur deuil, cherchent à faire la paix après la mort de leurs filles.
Finalement le père a plusieurs visages. Mais qu'est-ce qu'un père? Alexandre Lacroix tente de répondre à cette question dans La naissance d'un père (Allary) avec un portrait sur la paternité, de l'attente de l'enfant à son arrivée au monde.