26 SEPTEMBRE - BD France

Photo FRED BERNARD/CASTERMAN

Auteur jeunesse reconnu, Fred Bernard s'est lancé il y a dix ans dans la bande dessinée avec, coup sur coup, La tendresse des crocodiles (2003) et L'ivresse du poulpe (2004) (1). Subtilement parodiques, ludiques et poétiques, ces "aventures de Jeanne Picquigny" dans l'Afrique équatoriale du début du XXe siècle ont été suivies d'autres expériences, dont de jolis portraits de jeunes femmes d'aujourd'hui. Cléo (Nil, 2010) et Ursula (Delcourt, 2011) ont incidemment porté le dessinateur à enrichir l'univers de son héroïne fétiche, auquel il revient avec un pavé de quelque 500 pages.

Moins parodique, plus poétique, onirique et philosophique, La patience du tigre est certainement son ouvrage le plus accompli. Désormais mère, en ménage avec le picaresque Eugène Love Peacock, rencontré dans un précédent épisode tout comme la fantasque et néanmoins fidèle Victoire, qui s'occupe de ses deux jeunes fils, Jeanne Picquigny entame une nouvelle chasse au trésor. De la Bourgogne aux Indes, en passant par l'Angleterre, Marseille et l'Egypte, à la recherche d'une mystérieuse "île des deux crânes" au coeur du massif himalayen, le suspense et les rebondissements ne manquent pas. Jeanne, Eugène, Victoire et les enfants, bientôt rejoints par la providentielle Pamela Baladine Riverside, aux réseaux tentaculaires et souvent occultes, et par le joyeux Timoty Python, vieux compagnon d'armes d'Eugène, sont poursuivis par une obscure secte nazie. Ils ont droit à un festival de catastrophes : tsunami, accident ferroviaire, attaque de sauterelles, pluies de grêlons ou de grenouilles. Mais cette aventure aux Indes est aussi plus contemplative que les précédentes.

Tirant le meilleur parti de son épaisseur, l'ouvrage s'enrichit des apports des personnages rencontrés au fil du périple, du père érudit et acariâtre d'Eugène au fin maharaja moderniste Kapurgarh Rambirde Kishanthala. Fred Bernard en sublime les propos, faisant intervenir oiseaux ou papillons, s'attardant sur un lapin bondissant, le mouvement de la houle, les sombres alignements de tombes ou de dolmens, le silence des flancs enneigés de l'Himalaya, et n'oubliant pas un clin d'oeil à Tintin au Tibet, l'album le plus poétique d'Hergé. Il aime le vent qui fait onduler chevelures et prairies, la pluie qui ménage des poches d'intimité, modelant un joli morceau de poésie graphique.

(1) Casterman réédite les deux en un seul volume le 26 septembre.

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