La semaine passée a été placée non seulement sous le signe des paradis fiscaux mais aussi sous celui des accusations de plagiat. Le mercredi 3 avril, le grand rabbin Gilles Bernheim a fini par admettre que son livre publié chez Stock comportait de vrais morceaux de plagiat. 48 heures plus tard, Patrick Buisson était pris la main dans le sac pour avoir donné une interview au Figaro magazine dont les réponses avaient été empruntées au livre d'un autre. Fred est mort la même semaine, au milieu de toutes ces dépêches : la lettre A est donc restée à l'écart de ce brouhaha. Les B – Bernheim et Buisson – ont beaucoup trinqué (d'autant plus que Buisson a été perquisitionné le 4 avril et que Bernheim a perdu son agrégation de philosophie le 5). Il était grand temps de passer aux C. C'était donc au tour de Patrick de Carolis, qui est réapparu vendredi 5 avril. Mais pour clamer victoire car le tribunal de grande instance de Paris a débouté la veuve de Pierre Grimal qui le poursuivait en contrefaçon. Le journaliste avait été assigné fin 2011 pour avoir commis en librairie La dame du Palatin. Et les juges ont considéré au final que «à quelques exceptions près qui sont insuffisantes à caractériser un quelconque plagiat, la formulation, la construction et d'une manière générale la présentation ne montrent aucune similitude entre l'oeuvre de Pierre Grimal et le roman de Patrick de Carolis» . Celui-ci a sans doute «lu attentivement l'oeuvre de Pierre Grimal au point de sélectionner comme lui certains faits et d'en éliminer d'autres, si ces livres ont donc visiblement fait partie de ses sources, qu'il aurait du reste été élégant de citer» . La contrefaçon littéraire – appelée plagiat dans le langage commun – peut en effet porter sur la composition ou sur l'expression, ou sur les deux à la fois. Dans un précédent billet du présent blog , posté en septembre 2012, une accusation de plagiat envers Patrick Roegiers avait permis d'aborder le concept de composition. Reste donc la notion d'expression, seconde cible possible d'une contrefaçon littéraire. Il s'agit tout simplement du choix des mots, de la façon d'écrire. Il est bien évident qu'il convient de faire là aussi la part entre les termes obligés, imposés par le sujet, et ceux qui relèvent d'un véritable choix original de la part de l'auteur. On ne peut reprocher l'emploi de termes usuels. Dans un livre technique ou scientifique, il est par exemple impossible d'éviter le recours à un vocabulaire spécifique. De même, dans ce type d'ouvrages, est-il inévitable de rappeler des évidences propres au domaine traité et de procéder par des exemples appartenant au fonds commun de la matière. Tout au plus faudra-t-il donner des références, citer l'auteur des travaux auxquels on fait allusion. Cela ne signifie nullement que l'utilisation des mêmes exemples soit autorisée, ni que le piratage des phrases et des expressions originales élaborées par d'autres soit libre. En effet, quand bien même ces formulations ou le choix des exemples ne seraient pas suffisamment originaux pour être protégés par le droit d'auteur, l'action en concurrence déloyale reste un excellent moyen de sanctionner le piratage sans vergogne. Les mêmes difficultés affectent les cartes géographiques ou encore les illustrations de type planches de dictionnaires, dont le but est de se conformer autant que faire se peut à la réalité, et qui présentent de facto entre elles de nombreuses ressemblances. Il est donc normal que la jurisprudence se montre souvent plus sévère vis-à-vis de publications où rien ne justifie de fortes similitudes entre les ouvrages : roman, poésie, théâtre... Enfin, si les mots courants peuvent être repris par tous sans difficulté particulière, il n'en est pas de même pour l'utilisation de noms de personnages ou de titres qui peuvent présenter en eux-mêmes une véritable originalité. Il a été ainsi jugé que l'adjonction du sous-titre L'impossible histoire ne permet-elle pas d'écarter la contrefaçon du titre principal, Paris sur crime. Patrick Buisson et Gilles Bernheim sauront désormais à quoi s'en tenir.