24 septembre > Histoire Grande-Bretagne

Edward Palmer Thompson (1924-1993) a montré que l’on pouvait faire de l’histoire autrement, en marge de l’académisme. Comme son collègue Eric Hobsbawm, il n’a jamais caché son engagement marxiste et humaniste contre une vision quantitative et structurale du passé. Son grand livre publié en 1963, La formation de la classe ouvrière anglaise ("Points histoire", 2012) prenait le point de vue d’en bas pour analyser un fait, cette désormais fameuse "history from below". D’une certaine manière Les usages de la coutume (1991) constitue la suite d’un travail qui a redéfini la manière d’aborder la société industrielle, même pour les chercheurs qui ne partagent pas ses idées.

Entre la fin du XVIIe et le XIXe siècle, l’historien britannique suit les transformations de la société anglaise soumise à la règle libérale. Pour préserver leur situation et leurs droits, la classe populaire s’appuie sur la coutume, une sorte de droit venu d’en bas. On y trouve le divorce rituel ou le charivari - "rough music" -, une forme de fête libératoire où l’on fait du potin pour contester la noblesse ou le clergé. Or, c’est cet usage qui est de plus en plus contesté à mesure que la révolution industrielle enfle.

L’exemple reste anglais, mais la manière de faire peut s’appliquer à toutes les sociétés qui ont connu une forte poussée industrielle déstabilisant les classes populaires. Edward P. Thompson examine le terrain social sous toutes ses composantes, y compris celui de la poésie. "Si nous avions une meilleure poésie, nous aurions peut-être moins de mauvaise sociologie et moins de politique vide et mensongère."

L’excellente introduction fournit tous les éléments biographiques pour comprendre le parcours de cet historien frondeur, et les différents articles qui constituent ce livre permettent d’entrer dans sa méthode d’investigation du passé. Certes, ce travail savant est aussi militant. Mais on ne saurait trop passer à côté de cette vision d’en bas qui offre une perspective plus cavalière, en observant les faits de l’arrière. Après tout, le passé ne se regarde pas que d’un œil. L. L.

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