Il vient d'avoir 19 ans. Dans l'Angleterre du mitan des années 1980 qui ploie sous le joug tha-tchérien, il s'appelle comme tout le monde, ou presque, Brian Jackson, n'a plus de juvénile que son acné et n'est riche que de ses grandes espérances (et de sa ferme croyance que les chansons de Kate Bush pourront sauver le monde). Fraîchement émoulu à l'université de Bristol, et bien que douloureusement conscient de ses handicaps (outre ceux déjà cités, fils d'un représentant en doubles vitrages prématurément décédé, danseur déplorable et impécunieux, manifestant de précoces tendances à l'alcoolisme et à l'autodépréciation), il ne trouve rien de plus pressé que de tomber éperdument amoureux de la plus jolie fille du campus, Alice, une aspirante actrice aux moeurs aussi légères que ses tenues. Il sera aidé dans sa mission, a priori impossible, d'abord par sa participation au jeu télévisé "University Challenge" (sorte de "Questions pour un champion" entre universités), et surtout par Rebecca, une punkette juive et marxiste, plutôt grande gueule, que les névroses petites-bourgeoises de Brian distraient de son attente fiévreuse du grand soir révolutionnaire.
Brian, Alice, Rebecca, et les autres, enfants perdus dans les corridors de la mémoire, sont les héros, lamentables et attachants, de Pourquoi pas ?, le deuxième roman traduit en français de David Nicholls, après Un jour (Belfond, 2011), dont le succès a permis la découverte de ce roman qui est, en fait, le premier de son auteur. Nicholls y confirme avec un brio peu commun qu'il est bien le grand moraliste sarcastique et pince-sans-rire que l'on avait cru deviner. Depuis le Nick Hornby de Haute fidélité, avait-on lu un roman où un discret sentimentalisme et un humour tout d'"understatement" hilarant sont mis tous deux au service d'une critique sociale aussi acerbe ? Tout cela (lorsque tout est possible et que jamais rien n'arrive) est follement drôle et, à bien y réfléchir, plutôt triste. Un peu comme devait l'être, si l'on s'en souvient bien, l'année de nos 19 ans...