20 et 27 février > Philosophie Italie

C’est un ouvrage souvent cité, mais jamais retraduit en français depuis 1599 ! Le travail de Pierre Benedittini et Romain Descendre peut donc être considéré comme un événement pour ceux qui s’intéressent à la philosophie et à l’histoire politique européenne. Giovanni Botero (1544-1617) avait écrit De la raison d’Etat entre 1589 et 1598 avec l’intention de répondre au Prince.

Botero conteste Machiavel certes, avec lequel il entretient un rapport complexe, mais il s’en prend surtout à Jean Bodin, favorable à la politique de tolérance représentée par le futur Henri IV. A cela, il oppose la tempérance et l’urgence d’une pensée politique catholique qui intègre cette notion nouvelle d’Etat et la manière de le gouverner. "La raison d’Etat est la connaissance des moyens propres à fonder, conserver et accroître une telle seigneurie", annonce-t-il en préambule.

L’homme, qui a fait ses classes chez les jésuites avant d’en être exclu, est un excessif modéré. Son caractère difficile l’entraîne quelquefois vers des pentes philosophiques abruptes, mais il se reprend bien vite, comme en témoigne ce traité qu’on lit dans son jus d’époque, avec ses images, son lyrisme et ses convictions.

Les dix parties expliquent aux princes de son temps - le sien sera le cardinal Federico Borromeo de la curie romaine - comment se conçoit et s’entretient un Etat. Les pouvoirs temporels et spirituels y sont évidemment liés. Toute son étude montre comment échafauder ce subtil équilibre. "La conservation d’un Etat réside dans le repos et la paix régnant entre les sujets." Dans cette optique, Botero est favorable au secret d’Etat qui permet d’en dissimuler les forces comme les faiblesses.

L’action politique n’est justifiée que par sa réussite. Plus on comprend l’Etat, plus il se renforce. C’est, pour lui, la seule façon de faire coexister "les opulents, les miséreux et les gens moyens" dans une juste proportion pour éviter les révoltes. Ce même souci du nombre transparaît dans le bref discours Des causes de la grandeur des villes (1588) dont aucune traduction n’existait en français et qui doit sa résurgence au même Romain Descendre. Botero y apparaît comme un précurseur de Malthus. Pour lui, "la multitude engendre la confusion". Il considère d’ailleurs que la Chine avec ses quelque 60 millions d’habitants au XVIe siècle "est presque tout entière une ville".

Voici donc deux classiques parfaitement édités et présentés.

L. L.

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