6 novembre > Western Etats-Unis

William Riley Burnett- Photo DR

Voici une excellente idée éditoriale, de la part de Bertrand Tavernier - grand cinéaste, mais aussi cinéphile et fan de western-, de créer chez Actes Sud une collection de romans westerns, genre littéraire moins familier au public français que les nombreux films qui en ont été tirés. Pour sa première salve, Tavernier a choisi deux romans « indiens » : Des clairons dans l’après-midi d’Ernest Haycox, le plus célèbre des écrivains de l’Ouest américain, avec pour toile de fond la fameuse bataille de Little Bighorn, et Terreur apache, du bien méconnu W. R. Burnett. A tort. Ce roman est un pur chef-d’œuvre, grinçant, décalé, politiquement incorrect. Et trahi par son adaptation au cinéma sous le titre Le sorcier du Rio Grande par Charles Marquis Warren, en 1953.

Le héros, le chef éclaireur Walter Grein, est né à San Francisco, d’un père hollandais chercheur d’or. Honnête et sérieux, bourru, c’est un mélange de Buster Keaton et de Lucky Luke, doté d’un sacré sens de l’humour. Son seul trait négatif, sa haine, non pas des Indiens en général, mais des Apaches («brutes», « enfants superstitieux », « chiens rouges », etc.), qu’il traque sans relâche depuis des lustres. A 32 ans seulement, il possède une solide expérience du terrain, l’Arizona, et de ses adversaires. Il rappelle souvent que le mot « apache », utilisé par les autres peuples indiens, signifie « ennemi », tandis qu’eux-mêmes se nomment « N’De ».

Cette fois, en 1886, Grein se lance, en compagnie d’une équipe d’éclaireurs aussi efficaces qu’infréquentables (dont des Apaches « ralliés »), sur la piste de Toriano, un jeune chef chihuicahui du clan des Chouettes Rayées, et sa bande de « broncos », des rebelles qui ont fui leur réserve et sèment partout terreur et désolation.

En dépit de l’incurie de l’armée, de l’hostilité stupide des ronds-de-cuir de Washington, Grein et ses acolytes vont parvenir à isoler (et à tuer) Toriano, au terme d’une course-poursuite hallucinée, laquelle constitue l’essentiel du roman. La fin du bronco, elle, nous laisse un peu sur la nôtre… Au passage, comme dans tout bon western il faut un peu de sentiment, Grein aura fait tourner la tête de la fière Madame Weybright, la femme du seul colonel estimable de la région. Amour impossible, bien sûr, mais torride.

Dans sa postface pédagogique et admirative, Bertrand Tavernier nous apprend tout sur Burnett (1899-1982). Essentiellement connu pour ses polars (Little Caesar, Gallimard, 1948, ou The asphalt jungle, devenu Quand la ville dort, adapté par John Huston), ce polygraphe, admirateur des grands auteurs francophones dont Simenon, a été scénariste ou adaptateur, pour Hollywood, d’une cinquantaine de films, dont Scarface, La sentinelle du Pacifique ou La grande évasion. Mais ce qu’il préférait dans son œuvre, c’étaient ses westerns. Il avait bon goût. Terreur apache est le premier d’une trilogie, suivi par Pale Moon (Lune pâle, Gallimard, 1958) et Miamigo, inédit en français. On a hâte de les lire, s’il vous plaît, M. Tavernier. J.-C. P.

 

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