Paru en Islande en 2003, Betty fait partie des romans écrits par Arnaldur Indridason avant qu'il n'invente son fameux commissaire Erlendur, dont les enquêtes, traduites dans le monde entier, ont apporté à leur auteur une notoriété et une place de choix dans le monde du "polar scandinave". Betty est un livre très curieux, avec son suspense psychologique construit à rebours, qui atteste de la maîtrise d'Indridason, même si on peut préférer la saga d'Erlendur.
Du fond de sa prison de Reykjavik, où son interminable garde à vue se prolonge, assortie d'interrogatoires quotidiens menés par des policiers qui ne croient absolument rien de ce qu'elle leur raconte, Sara - on n'apprend son nom et son sexe qu'au cours de son récit - tente d'expliquer comment elle en est arrivée là. Juriste sans histoire, elle est un jour recrutée par la sulfureuse Betty, compagne d'un magnat de l'industrie de la pêche islandaise, afin de l'aider, dit-elle, dans ses affaires. Celui-ci, Tomas, se révèle être un vieux pervers vulgaire, sans scrupule, qui impose à Betty ses goûts sado, et la frappe. Tout en refusant de l'épouser, il semble qu'il ait fait d'elle, par testament, son unique héritière, le couple n'ayant pas d'enfants. Cui bono ? A qui le crime profiterait-il si Tomas venait à disparaître ? Mais à Betty, du moins le croit-elle. Et c'est là un mobile amplement suffisant pour qu'elle échafaude une machination tordue, telle une mygale tissant sa toile.
Connaissant les penchants lesbiens de Sara, elle la fait embaucher par son "mari", et celle-ci ne tarde pas à tomber éperdument amoureuse de la femme de son patron. Betty qui, dès sa jeunesse, a toujours été une manipulatrice sans états d'âme, joue de la corde sentimentale, se pose en victime et fait semblant de répondre à la passion de Sara, tandis qu'elle vit une liaison torride avec Léo, son ami d'enfance, qu'elle a également fait engager par Tomas ! La suite se produit exactement comme la diabolique l'a prévue : elle assassine son mari, et, avec l'aide de Léo, fait accuser la malheureuse Sara.
La justice finira-t-elle par triompher (au pire, Sara est complice, non coupable du meurtre) ou pas ? Et Betty sera-t-elle châtiée, ou pourra-t-elle jouir impunément d'une fortune bien mal acquise ? Naturellement, on ne le dévoilera pas ici. Il vaut mieux pour le lecteur qu'il se plonge dans cette histoire trouble, où chaque chapitre révèle une bribe d'information, un élément du passé de Betty retrouvé par Sara, qui pourrait étayer la mise en accusation de la veuve joyeuse. Sauf que Sara a mené son enquête toute seule entre le meurtre et son arrestation, et que la police la prend pour une mythomane...
Il y a dans tout ça un côté kafkaïen, hitchcockien. Grâce à quoi on se laisse prendre par le roman, surtout dans la seconde moitié, quand les événements s'accélèrent enfin.